Quelle éducation le président turc Erdoğan a-t-il reçue ? Claude Guibal, de la Rédaction Internationale de Radio France, s’arrête sur les origines de sa culture idéologique, de son ascension nourrie depuis l’enfance par l’autoritarisme, le ressentiment politique et le conservatisme religieux, écouter l’émission du 28 mars 2023 sur France Inter.
Recep Tayyip Erdoğan naît à Istanbul, dans une famille pauvre ultra-conservatrice. Il grandit dans des conditions très rudes, dans le quartier populaire de Kasimpaça connu à l’époque pour essuyer le mépris de la bourgeoisie laïque locale. Son enfance est principalement soumise à un père autoritaire qui l’a conduit à faire de la religion et le respect rigoureux des préceptes de l’islam des valeurs primordiales. Un cocktail éducatif qui tient un rôle fondamental dans l’évolution de ses ambitions politiques et sa pratique très solitaire du pouvoir.
Dans quelles conditions Erdoğan entre-t-il en politique ? Quelles sont les valeurs qui fondent son ADN politique ? C’est la question que pose la grand reporter Claude Guibal dans ce tout premier épisode.
Une jeunesse sacrifiée par le ressentiment social
Selon le journaliste et opposant Can Dundar, les trois mots qui serviraient pour le décrire seraient « la haine, la manipulation et le pragmatisme ». Les origines de ce grand « manipulateur » politique remontent à une jeunesse qui oscillait entre le lycée d’imams et de prédicateurs (où il fait ses études) et les terrains de football (où il évolue en tant que joueur semi-professionnel). Une passion sacrifiée par son père, attisée par une Turquie dominée par une bourgeoisie laïque d’Istanbul qui reflétait tout ce qu’il n’avait pas eu la chance d’obtenir, qui alimente toujours aujourd’hui sa posture anti-élites. Autant de désillusions qui contribuent à attiser son ressentiment politique, son esprit réactionnaire, son sens de la répression, un tempérament qui s’est exarcerbé depuis la tentative de coup d’État de 2016.
Une éducation religieuse réactionnaire
Son père le conditionne à l’écart de l’enseignement laïc traditionnel. Il reçoit très jeune l’art du prêche, ce qui représente une étape fondamentale dans sa construction personnelle. Dans la Turquie hyper laïque des années 1960, faire le choix d’une éducation religieuse n’est pas anodin. Il est façonné par un contexte national exacerbé par la confrontation entre une Turquie laïque et une Turquie religieuse. D’une part, un pays conservateur et religieux, où les masses croient en dieu, et d’autre part, la croyance en la République, en un État laïque qui contrôle l’islam et essaie de l’extraire du champ politique. Un face-à-face auquel se résume l’histoire de la Turquie de ces cent dernières années et dans lequel s’inscrit fondamentalement le parcours d’Erdoğan.
Intervenants
Can Dündar, journaliste
Ahmet Insel, politologue et éditeur
Marie-Pierre Vérot, journaliste à la rédaction internationale de Radio France
Équipe
Récit et production : Claude Guibal
Réalisation : Fabrice Laigle
Documentation sonore : Emmanuelle Fournier
Mixage : Benjamin Orgeret