« Le rétablissement de relations diplomatiques entre les deux pays s’opère peu à peu. Les Turcs sont impatients de retrouver une place dans la région. Les Israéliens, eux, sont moins pressés et préservent leurs nouvelles alliances » rapporte Catherine Dupeyron dans Les Echos du 26 mai 2022.
Le rapprochement entre Israël et la Turquie, amorcé en mars par la visite du Président israélien à Ankara, se poursuit. Mais, au grand dam des Turcs, cela se fait à petits pas. Pour la première fois depuis 15 ans, le chef de la diplomatie turque était mercredi à Jérusalem pour rencontrer son homologue israélien. Après leur entretien, le ministre israélien, Yaïr Lapid, a rappelé face caméra que la Turquie fut la « première nation musulmane à reconnaître Israël » dès 1949, que les relations entre les deux pays avaient connu « des hauts et des bas » mais qu’un « nouveau chapitre » était en train de s’ouvrir. Mevlüt Çavuşoğlu a souligné que « la normalisation » de ces relations « aura également un impact sur la résolution pacifique du conflit » israélo-palestinien. Un propos destiné à rassurer les responsables palestiniens rencontrés la veille à Ramallah. Concrètement, les deux hommes sont convenus de relancer la commission économique conjointe, rétablir les vols des compagnies israéliennes et favoriser le tourisme.
Pas un mot sur le gaz
Mais, pas un mot ni sur le retour des ambassadeurs de part et d’autre, ni sur le gaz : deux sujets majeurs, très probablement abordés en tête à tête. Deux raisons à cela. « Jusqu’ici Ankara a toujours décidé du rythme des relations avec Israël. Pour la première fois, Israël pose des conditions à la normalisation de ses relations avec la Turquie à savoir la fin de son soutien au Hamas,remarque Hay Eytan Cohen Yanarocak, expert de la Turquie au Centre Moshe Dayan de l’université de Tel Aviv. Et les Egyptiens, également en froid avec la Turquie, formulent presque les mêmes exigences, concernant les Frères musulmans. »
Par ailleurs, Israël ménage ses nouveaux alliés grec et chypriote, qui font partie avec Israël et l’Egypte, du Forum du Gaz de la Méditerranée orientale – la Turquie, elle, en est absente. Raison pour laquelle, le ministre turc de l’Energie ne faisait finalement pas partie de ce voyage, contrairement au souhait exprimé par le Président turc. Le gaz israélien intéresse les Turcs pour leur consommation intérieure et pour servir de courroie de transmission vers l’Europe, qui veut réduire sa dépendance au gaz russe. Mais cela suppose de construire un gazoduc qui passerait en partie par la zone économique exclusive chypriote, ce qui au stade actuel est impossible compte tenu des profonds différends opposant Chypre à Ankara sur le tracé des frontières maritimes notamment.
Le gisement Athena
Pour le moment, l’acheminement du gaz israélien à l’Europe peut se faire via les installations égyptiennes de gaz naturel liquéfié existantes à Damiette et Idkou ou par la construction d’une nouvelle installation en Israël. Cependant, pour Michael Harari, ancien ambassadeur d’Israël à Chypre, « l’exclusion de la Turquie des structures régionales mises en place ces dernières années n’est pas saine pour la région. »
Dans ce contexte, la filiale israélienne d’Energean a récemment annoncé la découverte d’un nouveau gisement, Athena, au large d’Haïfa, estimé à 8 milliards de mètres cubes. Le PDG d’Energean, Mathios Rigas, a précisé que « cette découverte confirme le rôle de la Méditerranée orientale en tant que point majeur mondial d’exploration de gaz ». La production d’Energean, qui doit commencer cet été pour alimenter le marché interne israélien, pourrait aussi à terme être exportée.
Les Echos, 26 mai 2022, Catherine Dupeyron