FIGAROVOX/ENTRETIEN – Joris Hébrard, député lepéniste du Vaucluse, a inauguré une mosquée au Pontet en compagnie des représentants du culte turc en France. Franck Papazian, auteur d’un livre sur le régime d’Erdogan, y voit un nouveau signe du soft power turc. Le Figaro du 24 mars 2023.
Franck Papazian est membre du Conseil de coordination des associations arméniennes de France. Il vient de publier Le Régime Erdogan. Une menace pour la France (Versilio/Robert Laffont, 144 p., 18 €).
FIGAROVOX. – Joris Hebrard, député RN du Vaucluse, a inauguré la semaine dernière une mosquée de l’association culture franco-turque au Pontet, dans la banlieue d’Avignon. Faut-il y voir une forme de clientélisme ?
Franck PAPAZIAN. – C’est soit par conviction soit par clientélisme. Mais, quelle que soit la motivation de Joris Hebrard, force est de constater qu’il y a une véritable irresponsabilité à favoriser l’influence de la Turquie d’Erdogan en France. J’explique dans mon livre de quelle manière la Turquie a infiltré la France depuis vingt ans. Par ses réseaux nationalistes, éducatifs et religieux, Erdogan a organisé son pouvoir d’influence. Je ne comprends pas qu’aujourd’hui un élu se fasse instrumentaliser de cette manière. Marine le Pen a marqué son désaccord avec cet élu. J’attends qu’il soit sanctionné par les instances du Rassemblement national. S’il ne l’est pas, la direction de ce parti aura validé cette initiative.
En 2020, Emmanuel Macron déclarait «on ne peut pas avoir les lois de la Turquie sur le sol de France et Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur, observait «des influences étrangères, des pays qui souhaitent faire du “soft power” sur notre territoire. Nous regardons de près ce que fait M. Erdogan». Comment se traduit le soft power turc sur notre sol ?
C’est très simple. À travers les écoles communautaristes qui échappent au contrôle de l’éducation nationale. À travers les mosquées et les Imams radicaux, dirigées par le Milly Gorus, qui diffusent, depuis de longues années, la propagande islamiste radicale. À travers des associations comme la Fédération des Turcs de France, vitrine des «Loups gris», cette organisation terroriste, ultra-violente, interdite en novembre 2020 par décret de ministre de l’intérieur mais dont les membres continuent de se réunir en France. Cette mainmise sur l’Islam est inadmissible. Et renforce encore plus la menace Erdogan en France. Si nous voulons que les Français soient protégés de la menace Erdogan, il faut fermer ses mosquées radicales et expulser les Imams qui prêchent l’islamisme radical. Le gouvernement français ne peut pas rester sans réaction.
Peut-on aller jusqu’à parler d’ingérence ?
Ces associations, ces mosquées, ces Imams sont sous la coupe d’Erdogan. C’est l’État turc qui a organisé, planifié, financé toutes ces structures. J’ai demandé que les comptes de ces associations et de leurs dirigeants soient saisis et contrôlés pour que puissent être fléchés les flux financiers. Il est évident que la Turquie fait acte d’ingérence. Et ce, sans pour autant être inquiétée.
Sur le plan culturel, des médias officiels turcs se sont implantés en France récemment, à l’image de l’agence de presse Anadolu et la radiotélévision TRT. Ont-ils pour autant une influence sur la diaspora turque en France ?
Erdogan a soigné sa diaspora. Il l’a financée. Il l’a organisée. Il a eu vingt ans pour la travailler. À toutes les élections depuis vingt ans, la diaspora turque en France vote massivement pour Erdogan. Beaucoup plus fortement qu’en Turquie. Les médias officiels turcs implantés en France dont un des instruments d’Erdogan pour asseoir son influence.