Des manifestations hostiles ont eu lieu, mardi et mercredi, devant les bâtiments des représentations diplomatiques à Istanbul et Ankara, avec des tentatives d’intrusion, en soutien à la population de Gaza.
Israël a ordonné, jeudi 19 octobre, l’évacuation de ses diplomates de Turquie, après que des manifestations de soutien à la population de Gaza ont dégénéré aux abords de ses représentations diplomatiques à Istanbul et à Ankara. Deux jours plus tôt, le Conseil national de sécurité israélien avait tiré la sonnette d’alarme. Evoquant des « menaces terroristes croissantes » envers ses ressortissants à l’étranger, il a enjoint à « tous les Israéliens présents en Turquie de partir le plus vite possible ».
L’ambassadrice en Turquie, Irit Lillian, nommée à ce poste en septembre 2022, a quitté Ankara dans la journée de jeudi en compagnie de son équipe. A cette occasion, des sources diplomatiques turques ont tenu à souligner aux médias, sous le couvert de l’anonymat, que ce départ était lié à des raisons de sécurité et qu’il n’y avait pas de crise politique entre les deux pays, actuellement sur la voie de la réconciliation après des années de brouille.
En réalité, le rapprochement turco-israélien apparaît fragilisé par la guerre entre le Hamas et Israël. Rompant avec le ton modéré qu’il avait adopté au début des hostilités, le président Erdogan a qualifié le pilonnage de Gaza par l’armée israélienne de « génocide ». Il a affirmé que les porte-avions envoyés en Méditerranée par les Etats-unis avaient pour mission de bombarder Gaza, malgré les dénégations du Pentagone, selon lequel il s’agit de dissuader l’implication d’autres acteurs dans le conflit.
Image de défenseur des musulmans sunnites
Ces déclarations à l’emporte-pièce tranchent avec le ton de désescalade adopté au début de la guerre. Pour contenter son électorat, conservateur et religieux, le président turc doit renouer avec son image de défenseur des musulmans sunnites et de champion de la cause palestinienne. Soucieux d’exprimer son soutien à Gaza, M. Erdogan a déclaré mardi soir un deuil national de trois jours en Turquie.
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L’opinion publique turque, toutes tendances confondues, soutient les prises de position de son chef. Tous les partis politiques, y compris ceux de l’opposition, notamment le Parti républicain du peuple mais aussi la gauche prokurde, sont sur la même ligne. Mardi soir, l’annonce de l’explosion dans l’hôpital Al-Ahli à Gaza, dont M. Erdogan a attribué d’emblée la responsabilité à l’armée israélienne, a mis le feu aux poudres. Des milliers de militants affiliés à des partis islamistes et nationalistes ont afflué aux abords des représentations diplomatiques israéliennes. A Istanbul, les manifestants ont lancé des feux d’artifice sur l’immeuble abritant le consulat, où un groupe a tenté de pénétrer. Après plusieurs heures d’affrontements, un militant islamiste est mort d’une crise cardiaque et soixante-trois personnes ont été blessées, des policiers pour la plupart, selon un bilan fourni par le gouvernorat d’Istanbul.
Des scènes similaires ont eu lieu au même moment à Ankara, où l’ambassade a été cernée par une foule réclamant sa fermeture. La résidence a fait l’objet d’une tentative d’incursion. Les manifestations se sont poursuivies mercredi soir, toujours aux abords des représentations diplomatiques. Vendredi, la tension est retombée d’un cran, les manifestants restant cantonnés à proximité des mosquées à Istanbul et à Ankara, probablement sur ordre du gouvernement. « Arrêtez le génocide ! », « Israël assassin, quitte la Palestine », ont scandé des hommes brandissant des poupées couvertes de taches rouges, en référence aux enfants palestiniens victimes de la guerre.
L’explosion de l’hôpital, dont les Israéliens et les Palestiniens se renvoient mutuellement la responsabilité, a suscité une vague de protestation dans de nombreux pays musulmans. Mercredi, environ 10 000 personnes se sont rassemblées devant l’ambassade d’Israël à Amman, exigeant l’expulsion des diplomates. Au Maroc, des centaines de personnes ont convergé mercredi vers le consulat américain à Casablanca, dénonçant le soutien de Washington à Israël dans le cadre de son offensive sur Gaza. Craignant pour la sécurité de ses diplomates, Tel-Aviv leur a enjoint de quitter la Jordanie, le Maroc et Bahreïn.