A quelques semaines des élections en Turquie, l’avenir politique est plus qu’incertain. Le président Recep Tayyip Erdoğan est plus que jamais menacé par son adversaire Kemal Kiliçdaroglu. Pour écouter l’émission sur France Culture du 30 avril 2023.
Avec
- Gaïdz Minassian Journaliste au Monde, docteur en sciences politiques et enseignant à Sciences Po Paris
- Dorothée Schmid Chercheuse, responsable du programme Turquie contemporaine et Moyen-Orient de l’IFRI
- Jean-François Colosimo historien des religions et éditeur,
Au pouvoir depuis 20 ans, comme Premier ministre puis comme président, Recep Tayyip Erdogan remet son mandat en jeu dans 2 semaines, le 14 mai, dans un scrutin considéré pour lui comme le plus difficile, et pour la Turquie comme le plus important de son histoire moderne.
Erdogan, depuis son entrée en campagne, a multiplié les promesses de reconstruction et les visites aux rescapés du séisme du 6 février. Mais cette aide, retardée de trois jours, ne saurait dissimuler la mauvaise gestion d’une catastrophe qui a fait plus de 50.000 morts, trois millions de déplacés et des centaines de milliers de familles sinistrées.
La Turquie est aussi en crise économique, avec une inflation de 50% sur un an et une livre en chute libre, ce qui rend le coût de la vie insupportable à de nombreux turcs.
Face à Erdogan, une opposition unie derrière un seul candidat : Kemal Kiliçdaroglu, 74 ans, patron depuis 2010 du parti social-démocrate CHP, qui fut celui du fondateur de la République, Atatürk. S’il est élu, Kemal Kiliçdaroglu promet de rendre le pouvoir au Parlement et d’en finir avec la concentration des pouvoirs dans les mains d’un seul homme.
Et alors qu’on le disait handicapé par ses origines alévies, Kemal Kiliçdaroglu a brisé un tabou il y a quelques jours, en revendiquant son appartenance à cette minorité religieuse, considéré comme hérétique par de nombreux sunnites : « Oui je suis Alévi et je suis un musulman sincère ». Une déclaration à laquelle Erdogan a virulemment répondu : « personne ne t’a demandé quoi que ce soit sur ta secte ou tes croyances. Alors pourquoi ressens-tu le besoin de te présenter devant le peuple avec ton identité sectaire à 74 ans ? »
Une autre question identitaire ou ethnique sensible reste celle des Kurdes. Le gouvernement a fait procéder cette semaine à des dizaines d’arrestations dans tout le pays, visant des soutiens présumés au PKK, le parti des travailleurs du Kurdistan, considéré comme terroriste. Une réponse probable au soutien apporté à Kemal Kiliçdaroglu par le principal parti pro-kurde HDP. Les Kurdes représentent une force politique conséquente puisqu’ils sont environ 15 millions en Turquie, ce qui pourrait jouer un rôle décisif dans les urnes.
Enfin dernière péripétie : un accident de santé a contraint Erdogan à interrompre une interview télévisée puis sa campagne durant deux jours. Officiellement affaibli par une gastro-entérite, il n’a pas pu se rendre à l’inauguration de la première centrale nucléaire de Turquie, où il espérait accueillir Vladimir Poutine. La rencontre s’est donc tenue virtuellement et à cette occasion, Poutine a témoigné d’un soutien appuyé.
Pour écouter l’émission sur France Culture du 30 avril 2023.