« Pour les observateurs, il s’agissait surtout avec ce mouvement d’humeur de «faire diversion», la Turquie étant en proie à une crise économique, avec un taux officiel d’inflation frôlant les 20% et une monnaie en chute libre d’environ 25% depuis le début de l’année face au dollar. » précise Le Figaro.
Le président turc avait menacé d’expulser 10 diplomates occidentaux en raison de leur soutien au philanthrope emprisonné Osman Kavala.
Les ambassadeurs occidentaux en Turquie ont «reculé» et «seront plus prudents à l’avenir», a déclaré lundi le président turc Recep Tayyip Erdogan, qui a renoncé à expulser les 10 diplomates menacés en raison de leur soutien au philanthrope emprisonné Osman Kavala. «Notre intention n’était pas de susciter une crise», mais de protéger les droits souverains de la Turquie, a affirmé Recep Tayyip Erdogan.
Les 10 ambassadeurs – États-Unis, Canada, France, Finlande, Danemark, Allemagne, Pays-Bas, Nouvelle-Zélande, Norvège et Suède – avaient appelé dans un communiqué commun, le 18 octobre, à un «règlement juste et rapide de l’affaire» Osman Kavala, privé de liberté depuis octobre 2017. Ce communiqué constituait une «attaque» et une «insulte» contre la justice turque, a affirmé Recep Tayyip Erdogan lors d’une allocution prononcée après la réunion de son gouvernement. «C’était mon devoir de chef de l’État que d’apporter la réponse nécessaire», a ajouté le président turc, estimant que «la justice turque ne reçoit d’ordre de personne».
Les diplomates ont «reculé» et «seront plus prudents à l’avenir», a déclaré le chef de l’Etat au terme d’une longue réunion de son gouvernement, dont le contenu n’a pas été dévoilé mais durant laquelle, selon les observateurs, il a sans doute été mis en garde contre les conséquences désastreuses d’une nouvelle crise internationale. «Notre intention n’était pas de susciter une crise mais de protéger nos droits, notre honneur, notre fierté et nos intérêts souverains», a-t-il martelé.
Dans la journée, les 10 chancelleries concernées avaient entamé une désescalade par voie de communiqués, dans lesquels elles affirmaient agir en «conformité avec la Convention de Vienne et son article 41» qui encadre les relations diplomatiques et interdit toute ingérence dans les affaires intérieures du pays hôte. Une déclaration «accueillie positivement» par le président turc, avait relevé l’agence de presse officielle Anadolu. Le porte-parole du département d’Etat américain, Ned Price, a déclaré à la presse que les Etats-Unis ont «pris acte» de la «clarification» d’Erdogan, mais resterons «fermes dans (leur) engagement à promouvoir l’Etat de droit, promouvoir le respect des droits humains» en Turquie. Ce premier signe de détente avait aussitôt provoqué une remontée de la livre turque, qui avait ouvert la journée par une nouvelle chute.
Collision
Expulser 10 ambassadeurs occidentaux et pour la plupart alliés, malgré les divergences, serait entré directement en collision avec deux rendez-vous internationaux prévus en fin de semaine : le sommet samedi à Rome du G20, le groupe des pays les plus industrialisés, puis la conférence sur le climat de l’ONU qui s’ouvre dimanche en Écosse (Royaume-Uni). Or Recep Tayyip Erdogan espère bien rencontrer le président américain Joe Biden à Rome. La Turquie est notamment en froid avec Washington sur des contrats d’avions de chasse F-35 – payés et non livrés – et une commande de pièces pour des chasseurs F-16. Ainsi que sur l’achat d’un système de défense antiaérienne russe S-400, malgré son appartenance à l’Otan.
Pour les observateurs, il s’agissait surtout avec ce mouvement d’humeur de «faire diversion», la Turquie étant en proie à une crise économique, avec un taux officiel d’inflation frôlant les 20% et une monnaie en chute libre d’environ 25% depuis le début de l’année face au dollar. Dès le lendemain de la parution de leur communiqué sur Osman Kavala, les 10 ambassadeurs avaient été convoqués au ministère des Affaires étrangères, les autorités jugeant «inacceptable» leur démarche.
Editeur et philanthrope né à Paris, Osman Kavala a été maintenu en détention début octobre par un tribunal d’Istanbul qui a estimé «manquer d’éléments nouveaux pour le remettre en liberté». L’homme, âgé de 64 ans, a toujours rejeté les charges pesant sur lui. Il comparaîtra de nouveau le 26 novembre. En décembre 2019, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) avait ordonné la «libération immédiate» du mécène – en vain.
Le Figaro, 26 octobre 2021