« Le coup de grisou meurtrier survenu le 14 octobre est le dernier d’une longue liste d’accidents miniers qui se répètent en Turquie, dénonce l’opposition. Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, considère, lui, qu’il s’agit du “destin” des mineurs » rapporte Courrier International du 17 octobre 2022.
L’accident qui a coûté la vie à 41 mineurs dans la province de Bartin, dans le nord-ouest du pays, sur la côte de la mer Noire, a endeuillé le pays et ravivé les plaies de la catastrophe minière de Soma en 2014, lorsque 301 mineurs avaient trouvé la mort.
Le média en ligne Medyascope a dénoncé la réaction du président turc, Recep Tayyip Erdogan, qui, à Bartin comme à Soma, a évoqué des “catastrophes inévitables dans ce secteur” et sa croyance religieuse dans un “destin” écrit par Dieu et inévitable pour expliquer les 41 décès.
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Medyascope rappelle que de nombreux avocats des familles de mineurs ayant perdu la vie à Soma en 2014 sont actuellement derrière les barreaux. A contrario, un assistant du secrétaire particulier d’Erdogan au moment de la catastrophe de Soma, Yusuf Yerkel – qui avait été pris en photo par un journaliste alors qu’il assénait un coup de pied au proche d’un mineur endeuillé recroquevillé à terre –, a été récemment promu attaché commercial à Francfort.
Coup de grisou ou coup du destin ?
Un éditorialiste du très progouvernemental quotidien islamo-nationaliste Yeni Safak s’interroge pourtant sur cette notion de “destin” invoquée par Erdogan : “Arrêtons de nous en remettre au destin. N’existe-t-il pas des moyens techniques de prévenir ce genre d’accident ou de limiter les pertes humaines ?” s’interroge-t-il. Le journaliste rappelle qu’il y a trois ans, en Allemagne, 35 mineurs avaient été sauvés après une explosion dans une mine à 700 mètres de profondeur. “S’ils y arrivent, alors nous pouvons y parvenir aussi”, souligne-t-il.
Exploitée par une entreprise publique, la mine a fait l’objet, en 2017 et en 2019, d’inspections de la Cour des comptes, dont les rapports avaient mis en évidence les risques importants de la survenance d’un tel coup de grisou, souligne la chaîne d’opposition Halk TV.
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L’entreprise exploitante avait même été condamnée à une amende pour non-respect des règles de sécurité. Les installations auraient même fait l’objet d’une inspection de la même institution dix jours avant l’accident mortel, affirme le média. L’entreprise a démenti ce point dans un communiqué, assurant qu’il s’agissait d’une simple “visite de courtoisie” et que toutes les mesures adéquates visant à prévenir un tel accident avaient été prises.
“On va parler de ce massacre pendant un mois, puis on oubliera”, se désespère le quotidien de gauche Evrensel, qui cite notamment Naciye Kaya, une femme qui a perdu son mari dans la catastrophe de Soma. Pour elle comme pour beaucoup de familles de victimes, le manque d’enquête après de tels événements et l’impunité des responsables et des entreprises ne peuvent que déboucher sur leur répétition. Elle assène : “Erdogan est arrivé sur place tout de suite en annonçant des indemnités pour les familles endeuillées, mais ce n’est pas l’argent qui va apaiser leur douleur.”
“Ce qu’il fallait faire, c’est empêcher que cela se reproduise.”
Courrier International, 17 octobre 2022, Photo/Cagla Gurdogan/Reuters