Les présidents turc et azérie veulent ouvrir un couloir terrestre – dit corridor de Zangezur – entre la Turquie et l’Azerbaïdjan via l’Arménie. Cette rencontre intervient quelques jours seulement après l’opération éclair dans l’enclave du Haut-Karabakh.
Le 24 Septembre 2023, paru dans Le Figaro.
Le président turc Recep Tayyip Erdogan rencontrera lundi son homologue azerbaïdjanais Ilham Aliev dans l’enclave azerbaïdjanaise du Nakhitchevan, nichée entre l’Arménie et l’Iran et frontalière de la Turquie, ont rapporté dimanche plusieurs médias turcs. Erdogan et Aliev, allié d’Ankara, avaient dit en juin vouloir accentuer leurs efforts pour ouvrir un couloir terrestre – dit corridor de Zangezur – reliant la Turquie au principal territoire de l’Azerbaïdjan via l’enclave du Nakhitchevan et l’Arménie, un projet ancien et complexe.
Cette rencontre intervient alors que l’armée azerbaïdjanaise a lancé mardi une attaque contre la région séparatiste du Nagorny Karabakh, majoritairement peuplée d’Arméniens et déjà théâtre en 2020 d’une violente guerre qui avait permis à Bakou d’y reconquérir de larges portions de territoire. Le président turc a exprimé à plusieurs reprises cette semaine son «soutien» à l’armée de Bakou.
L’Arménie dénonce des «alliances inefficaces»
Après seulement 24 heures de combat, les autorités du Karabakh, dépassées par la puissance de feu de Bakou et sans aide d’Erevan, ont déposé les armes mercredi et des négociations ont commencé jeudi, sous la médiation de Moscou, pour la réintégration dans l’Azerbaïdjan du territoire sécessionniste, où de très nombreux habitants restent bloqués. Certains experts estiment que Bakou pourrait désormais chercher à pousser son avantage et lancer des opérations dans le sud de l’Arménie afin de créer une continuité territoriale avec l’enclave du Nakhitchevan.
Plus tôt dans la journée du dimanche 24 septembre, le premier ministre arménien Nikol Pachinian a qualifié d’«inefficaces» les alliances actuelles de son pays, dans une allusion voilée à ses relations de longue date avec Moscou, héritées de l’époque où l’Arménie faisait partie de l’URSS.
«Les systèmes de sécurité extérieure dans lesquels l’Arménie est impliquée se sont révélés inefficaces pour protéger sa sécurité et ses intérêts», a déclaré le premier ministre dans une allocution télévisée. «L’Arménie n’a jamais renoncé à ses obligations ni trahi ses alliés. Mais l’analyse de la situation montre que les systèmes de sécurité et les alliés sur lesquels nous comptons depuis longtemps se sont fixés pour tâche de montrer notre vulnérabilité et l’incapacité du peuple arménien à avoir un Etat indépendant», a-t-il ajouté.
Anciennes républiques soviétiques
L’Arménie fait encore partie de l’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC), une alliance militaire chapeautée par la Russie, mais avait déjà donné des signes d’éloignement, avant même l’offensive cette semaine au Nagorny-Karabakh de l’armée azerbaïdjanaise, qui a précipité un basculement hors de la sphère d’influence de Moscou.
À Erevan la frustration couvait depuis des mois, devant l’incapacité de la Russie de soutenir l’Arménie face à l’Azerbaïdjan et au manque d’engagement des forces de maintien de la paix russes dans le conflit opposant ces deux États voisins. L’Arménie, qui avait refusé en janvier d’accueillir des manœuvres de l’OTSC, vient de mener avec les États-Unis ce mois-ci des exercices militaires, au grand dam de Moscou. En mai 2023, le premier ministre arménien avait déjà évoqué la possibilité que l’Arménie se retire de l’OTSC, toujours en liaison avec le dossier du Nagorny Karabakh.
L’Arménie et l’Azerbaïdjan, d’ex-républiques soviétiques, se sont déjà affrontées pour le contrôle de cette région disputée en majorité peuplée d’Arméniens dans deux guerres, l’une dans les années 1990 et l’autre en 2020. La Russie a parrainé un accord de cessez-le-feu qui a mis fin aux hostilités en 2020 et a déployé sur place des soldats de la paix, qui n’ont pas empêché l’invasion éclair du Nagorny Karabakh par les troupes de Bakou cette semaine.