Le président turc Recep Tayyip Erdogan a concédé dimanche la victoire historique de l’opposition aux élections municipales, qui constituent selon lui un “tournant” pour son camp, au pouvoir depuis 2002.
Courrier International, le 1er avril 2024
C’est “un désaveu” pour Recep Tayyip Erdogan, commente The Guardian. Le principal parti d’opposition turc “a porté un coup inattendu au pouvoir du président”, dimanche 31 mars, en remportant “une large victoire” aux élections municipales.
Le Parti républicain du Peuple (CHP, social-démocrate) a conservé le contrôle des grandes villes, notamment la capitale, Ankara, et la mégalopole Istanbul, où le maire sortant Ekrem Imamoglu s’assure un “inattendu” second mandat, “propulsant le [parti] au centre de la politique nationale”.
Avec cette “victoire historique”, l’opposition “surprend” Recep Tayyip Erdogan, “qui espérait reprendre le contrôle de ces villes moins d’un an après avoir brigué un troisième mandat présidentiel”, observe la BBC. Il s’agit d’un “coup dur” pour le chef de l’État, âgé de 70 ans, qui “a mené la campagne pour gagner à Istanbul, où il a grandi et dont il est devenu maire”.
“C’est également la première fois depuis l’arrivée au pouvoir de M. Erdogan, il y a vingt et un ans, que son parti est battu dans les urnes à travers le pays”, remarque encore la chaîne britannique.
Erdogan promet de “respecter la décision de la nation”
Recep Tayyip Erdogan a reconnu dans la nuit que le scrutin ne s’était pas déroulé comme il l’avait espéré, remarque le Daily Sabah, “surtout neuf mois après les élections générales et législatives, dont l’AKP [Parti de la justice et du développement, islamo-conservateur] est sorti vainqueur”. “Les résultats montrent que nous avons perdu notre élan”, a-t-il déclaré lors d’un discours devant ses partisans au siège du parti.
Le président turc, “qui a lui-même parcouru 52 villes pour faire campagne au cours des deux derniers mois”, a qualifié les résultats de “tournant, pas de fin”. Et a promis de “respecter la décision de la nation”. “Tout au long de notre vie politique, nous avons marché avec notre nation. Nous ne reconnaissons aucun pouvoir au-dessus de la volonté de la nation. Nous n’avons jamais renoncé à approuver la volonté de la nation”, a-t-il dit.
Scènes de liesse à Istanbul et Ankara
Peu auparavant, le maire sortant d’Istanbul, Ekrem Imamoglu, 53 ans, avait annoncé sa réélection à la tête de la plus grande ville de Turquie, qu’il a conquise en 2019, sans même attendre la proclamation des résultats officiels. “Ce soir la démocratie va déferler […] sur les places, dans les rues, les universités, les cafés et les restaurants d’Istanbul”, a-t-il lancé face à des dizaines de milliers de ses partisans en liesse.
Après dépouillement de plus de 92 % des bulletins de vote à Istanbul, Ekrem Imamoglu était crédité de 50,92 % des suffrages contre 40,05 % pour le candidat de l’AKP, Mourat Kouroum.
À Ankara, le maire CHP Mansur Yavas, largement en tête, avait lui aussi déjà revendiqué la victoire, affirmant que “ceux qui ont été ignorés ont envoyé un message clair à ceux qui dirigent ce pays”. La BBC décrit la joie de ses partisans, qui “ont bloqué toutes les routes principales de la capitale, brandissant des drapeaux et klaxonnant”.
La proclamation des résultats définitifs par la Haute commission électorale (YSK) est attendue dans la journée de lundi.