La coalition de six partis formée pour les élections législatives et présidentielle remportées par Erdogan a du plomb dans l’aile mais pourrait renaître pour les élections locales du printemps 2024. Par Courrier International du 6 juin 2023.
Ébranlée par sa défaite aux élections parlementaires et présidentielle, la coalition de l’Alliance du peuple formée par l’opposition est en train de voler en éclats en Turquie. “L’Alliance du peuple était une coalition électorale, elle n’existe plus désormais”, a ainsi déclaré le porte-parole du parti nationaliste Iyi, deuxième parti de cette coalition et qui a récolté 10 % des voix aux législatives, rapporte le quotidien Evrensel.
Soutenue depuis l’extérieur par le parti prokurde du YSP, la coalition réunissait aussi bien des sociaux-démocrates laïcs que des libéraux, des conservateurs et des nationalistes.
Les islamistes se désolidarisent
Sur les 168 députés élus sur les listes du CHP, le principal parti d’opposition kémaliste, 39 députés conservateurs et islamistes d’opposition ont quitté le parti pour siéger à l’Assemblée sous leurs propres couleurs et tenter de créer leur propre groupe au Parlement.
Mécontent de la gestion de la campagne par son parti, le charismatique leader kurde du HDP, Selahattin Demirtas, qui avait coutume d’intervenir régulièrement dans le débat par des messages envoyés de la prison où il est détenu depuis 2016, a annoncé de son côté qu’il quittait la “vie politique active”, rapporte le média en ligne Arti Gerçek.
Une déclaration qui a créé une déflagration dans l’opinion kurde comme dans la gauche turque, où il est très populaire. Dans un entretien au média en ligne T24, sa femme, Basak Demirtas, s’est indignée de la passivité de l’opposition, alors que, dans son discours de victoire, le président turc s’en est violemment pris au leader kurde, promettant que l’opposant ne “serait jamais libéré pendant son mandat”. Et ce en dépit, notamment, des jugements rendus en ce sens en 2020 par la Cour constitutionnelle turque et la Cour européenne des droits de l’homme.
La foule massée devant le palais présidentiel a appelé à condamner le leader kurde à la “peine de mort”. “Aucun leader d’opposition ne m’a appelée ni n’a eu le moindre mot pour condamner publiquement ces propos”, déplore Basak Demirtas.
Kiliçdaroglu chahuté au sein de son parti
Le leader du CHP et candidat malheureux de la coalition, Kemal Kiliçdaroglu, est quant à lui chahuté à l’intérieur même de son parti, certaines voix lui attribuant la responsabilité de la défaite et appelant à sa démission.
Lors d’une rencontre en tête à tête lundi 5 mai avec le maire d’Istanbul, Ekrem Imamoglu, Kemal Kiliçdaroglu aurait refusé les propositions de l’édile visant à prendre la tête du parti pour le mettre en ordre de marche pour les élections municipales de l’été 2024, rapporte le quotidien Cumhuriyet.
Une renaissance de la large coalition d’opposition sera nécessaire au maire d’Istanbul, qui devra compter sur l’opposition de droite comme sur les Kurdes pour garder son siège. Un siège que le président Erdogan entend bien lui ravir, comme il le déclarait dès le soir du 28 mai dans son discours de victoire, haranguant ses partisans. “Êtes-vous prêts à remporter aussi Istanbul lors des élections de 2024 ?” a-t-il demandé à la foule.