Les oreilles tournées vers le Bosphore, nous partons sur les traces des divas Turques. Des musiciennes qui maîtrisent le maqâm aux rockeuses de l’anadolu, découvrons les voix qui se sont révélées dans l’histoire musicale et politique de la Turquie. France Culture du 9 avril 2023.
Ecouter l’épisode 4/4 sur France Culture.
Suite de notre série “Divas, les grandes voix” série dans laquelle nous rencontrons les chanteuses élevées au rang de déesse et qui au-delà de leur timbre enivrant racontent des histoires qui souvent les dépassent : L’histoire de leur condition, l’histoire de leur pays et l’histoire du mouvement musical qu’elles ont incarnée. Après les reines mandingues ou encore les divas tunisiennes, nous partons pour le Bosphore. Chacune des voix fait entendre une certaine histoire de la Turquie, ce pays très agité politiquement et musicalement très riche. Qu’elles soient brunes, blondes, rebelles, trans, slalom parmi les plus belles voix du pays.
Safiye Ayle, première diva du pays
La toute première diva turque s’appelle Safiye Ayle et est née presque en même temps que le pays. Elle est une immense interprète de la musique classique turque, un héritage qui reste dans toutes les productions de musique actuelles en Turquie. Cette musique classique, héritée des Ottomans, repose sur le système des mâqams, un système mélodique extrèmement complexe, on en compte près de 600. Après la mort de ses parents, et alors que le destin de son pays bascule, Safiye Ayle est élevée dans un orphelinat et apprend la musique par nécessité. Elle devient très vite une virtuose et se produit dans les « gasinos », en Turquie. On appelle « gasino » en Turquie tous les cafés-concerts et music-hall qui produisent toutes les chanteuses qui veulent réussir et cela jusqu’aux années 80. La spécificité de Safiye réside dans sa manière de chanter les classiques de manière un peu occidentale. Quand elle se produit devant le père de la nation, Mustafa Kemal, il reconnaît dans sa voix, ce qu’il entend faire de la Turquie : Une identité glorieuse ottomane mais résolument moderne. Elle va devenir officiellement sa chanteuse préférée et la voix qui va accompagner la naissance de la Turquie moderne.
Derya Yildirim, dans la lignée des divas turques
C’est l’une des voix de Turquie les plus connues en France. Elle maîtrise le « saz », le fameux luth emblématique de la musique turque. La chanteuse a grandi à Hambourg et joue avec le groupe Simsek composé d’allemands et de français. Depuis 9 ans, elle reprend les classiques de l’anadolu rock, le rock psychadélique de la Turquie. Derya Yildirim est l’héritière d’une très longue tradition de divas dans ce pays. Sur le titre Gümüş (qui signifie « argent »), écrit avec l’écrivain Duygu Ağal, Derya Yıldırım interprète avec une voix pure en chantant un état particulier de l’âme, entre la vie et la mort. Une émotion sublimée par les mélodies de claviers d’antan et de Bağlama (luth turc).
Bülent Ersoy, diva déterminée entre tradition et modernité
« Tu es ma pomme magique, ma tarte au rasoir, tu es la déesse perdue dans mon corps, serpent venimeux ou peut-être forêt, à la fois masculin et féminin » : Ces paroles de « Dertleri Zevk Edindim » de Bülent Ersoy sont très lyriques et presque subversives. Cette chanson est sortie à l’hiver dernier dans une Turquie très tendue et conservatrice de Recep Tayyip. Bülent Ersoy est sans doute la plus grande diva encore vivante du pays. Elle s’inscrit dans la tradition classique des divas turques tout en apportant une touche pop. Elle est une chanteuse trans, née en 1952 et s’est essayée au théâtre avant de découvrir sa passion pour la chanson. Ce sont ses grands-parents qui l’ont initiée à la musique classique turque puis elle s’est formée au conservatoire d’Istanbul. Elle se produit sur des scènes prestigieuses du monde entier et est accueillie très chaleureusement par le public turc.
Programmation musicale et archives
- Arif Sağ & Zafer Dilek, Hüdayda
- Derya Yildirim & Grup Simsek, Gümüs
- Safiye Ayla, Uskudara Giderken
- Müzeyyen Senar, Bir Zamanlar Maziye Bak
- Archive : Leyla Gencer, sur son parcours, émission “mémoire retrouvée”, France musique, 1996
- Leyla Gence, II trovatore, Acte IV : Timor di me ? D’amor sull’ali rosee
- Humeya, Adin Kadin
- Selda Bagcan, Ince Ince
- Selda Bagcan, Dön Gel Birtanem
- Gülden Karaböcek, Nem Kalde
- Gaye Su Akyol, Sen Benim Mağaramsın
- Bülent Ersoy, Dertleri Zevk Edindim
- Bülent Ersoy, Geceler
- Altin Gün, Rakiya Su Katamam