Un an et demi après les séismes qui ont fait plus de 50 000 morts dans le sud est du pays et rasé des villes entières, les besoins sont pourtant toujours colossaux.
France Info, le 1 juillet 2024, par Marie-Pierre Vérot
Un simple SMS. En Turquie, les victimes du tremblement de terre mortel du 5 au 6 février 2023 toujours à la rue ont appris par un message envoyé sur leurs téléphones que l’aide mensuelle qu’elles percevaient depuis la catastrophe prendrait fin en juin. Un an et demi après les séismes qui ont fait plus de 50 000 morts dans le sud est du pays et rasé des villes entières, les besoins sont pourtant toujours colossaux. Des centaines de milliers de personnes sont toujours dans des conteneurs, sous des tentes, à la rue, sans toit… Et l’été n’apporte aucun répit, avec sa chaleur torride et le manque d’eau criant.
Les 5000 livres mensuelles, environ 150 euros, fournissaient ainsi un complément indispensable à ceux qui ont tout perdu, leurs proches, leur logement, leur travail, leur voiture. Cela représente parfois jusqu’à un tiers ou la moitié du loyer. Et c’est par un simple SMS que l’Afad, l’organisme qui gère les catastrophes, a informé les locataires que l’aide perçue en juin serait la dernière. Comme toujours le message se termine ainsi « Qu’Allah sauve notre Nation et notre Etat de toute catastrophe« , d’une cruelle ironie en l’occurrence.
« Dois-je payer mon loyer ou aller sur la tombe de mon fils ? »
Or, si ce SMS a été envoyé mi-juin, depuis la colère ne retombe pas. Car le gouvernement turc s’était pourtant engagé à ce que l’aide soit versée, tant que les nouvelles maisons ne seraient pas livrées. Or, moins de 10% des logements promis sont effectivement sortis de terre, tonne l’opposition. Elle lancera, dit-elle, la plus grande offensive jamais connue en Turquie pour les loyers si l’aide n’est pas rétablie. Mais les finances turques sont au plus mal et l’Afad précise que cette aide exceptionnelle est une première et qu’elle avait été promise pour 12 mois.
Le président du CHP, le Parti républicain du peuple, Özgur Özel était cette semaine en tournée dans la région, notamment à Malatya. « Ici, s’indigne-t-il, 94% des gens sont toujours à la rue ! Ils s’abritent dans des tentes, des conteneurs, ou ont dû partir ailleurs pour avoir un toit ». Sur les 100 000 maisons promises à Malatya, seules 7000 ont été livrées, ajoute-t-il. Antioche, presque rasée le 6 février 2023 ressemble toujours à une immense ville conteneur. L’association des victimes précise que là aussi seuls 10% des logements promis ont été effectivement été construits. Et souvent, ajoute l’association, sans même que les infrastructures d’accès ou les raccordements ne soient effectués.
Le flou persiste par ailleurs sur la poursuite du versement de l’aide accordée aux propriétaires de maisons détruites ou trop endommagées. D’un montant de 7500 livres turques, celle-ci devrait être maintenue, mais pas celle accordée, jusqu’à présent, aux simples locataires. Or, les loyers dans la zone ont été multipliés par trois. Les sinistrés disent ne plus en dormir, comme cette jeune femme qui parvenait à économiser 1 000 livres chaque mois sur l’aide reçue. L’argent épargné devait lui servir à aller se recueillir sur la tombe de son fils, qu’elle a perdu dans le tremblement de terre et qui est inhumé à plusieurs centaines de kilomètres, cet été. Elle demande à présent : « Que vais-je faire ? Dois-je payer mon loyer ou aller sur la tombe de mon fils ?«