L’abrogation d’un article de loi imposant aux femmes de porter le nom de leur mari avait été décidée en avril 2023. Les députés turcs pourraient encore revenir dessus.
Le 30 janvier 2024, L’Orient-le-Jour
Depuis dimanche, la levée de la restriction est entrée en vigueur. Avec l’abolition d’une provision du code civil turc, les femmes mariées pourront désormais conserver leur nom de jeune fille. Jusqu’à présent, il leur était seulement autorisé d’inclure leur propre nom de famille avant celui de leur mari, si elles en faisaient la demande écrite, ou de réclamer par la suite un changement de patronyme à travers un procès. La Cour constitutionnelle avait décidé en avril 2023 d’abolir l’article 187 du code civil contenant l’obligation pour une femme d’adopter le nom de son mari, sous le motif qu’elle « violait le principe d’égalité », et donné neuf mois au Parlement pour rédiger un nouvel article de loi respectant ce dernier. Le délai pour ce faire s’étant écoulé le 28 janvier sans que les députés turcs ne proposent une alternative, l’article est donc abrogé.
Il est néanmoins attendu que l’organe législatif turc propose un article dans le cadre d’une réforme judiciaire, qui sera discutée prochainement au Parlement. Le ministre de la Justice, Yılmaz Tunç, a récemment déclaré dans un entretien télévisé que le paquet de réformes sera présenté d’ici au début du mois de mars pour entamer les discussions parmi les députés. Si ces derniers, dont la majorité sont issus du parti présidentiel conservateur de la Justice et du développement (AKP), allié au parti ultranationaliste d’extrême droite MHP, valident le changement, l’autorisation pour les femmes de garder leur nom de jeune fille restera en vigueur. Citée par le média turc Duvar, la professeure de droit Nazan Moroglu a averti que des amendements devaient en outre être apportés à des articles de loi liés à celui qui a été abrogé, concernant notamment la question des noms de famille des enfants et des personnes divorcées.
La juriste s’est néanmoins félicitée du changement devenu effectif dimanche, le qualifiant de point culminant après 25 ans de lutte pour des droits égaux : « Le nom de famille est un droit individuel essentiel, indispensable et inaliénable. » D’autant que la Cour entendait avec sa décision d’avril 2023 ouvrir la voie à d’autres amendements du code civil. « Il est clair qu’il existe d’autres options pour que les familles aient un nom commun que celle où la femme adopte le patronyme de son mari après leur union », déclarait alors la juridiction. Dans la société conservatrice qu’est la Turquie, tout le monde n’est pourtant pas d’accord. Le juge Muammer Topal, qui a voté contre l’abrogation de l’article 187, a dénoncé l’égalité des genres comme « l’une des superstitions modernes », affirmant que l’« inégalité structurelle entre hommes et femmes était une réalité de la création ».