Les élections municipales du 31 mars sont l’occasion pour le président turc d’asseoir sa domination face à une opposition divisée depuis sa défaite au printemps dernier.
Ouest-France, le 29 mars 2024, par Raphaël Boukandoura
« Pour moi c’est un final, la dernière fois que je participe à une élection », déclarait au début du mois le Président Recep Tayyip Erdogan, au sujet des élections municipales turques du 31 mars. L’occasion pour le leader islamo-nationaliste de tenter à peu de frais de mobiliser ses électeurs alors que son parti va tenter, après sa victoire aux présidentielles du printemps dernier, de reprendre les grandes villes du pays tombées aux mains de l’opposition en 2019.
Le maire d’Istanbul, bête noire du président Erdogan
C’est principalement vers Istanbul, mégalopole de plus de 16 millions d’habitants et poumon économique du pays (30 % du PIB national) que se tournent les regards. Son maire, Ekrem Imamoglu, issu du principal parti d’opposition, le CHP (laïc et nationaliste), est devenu la bête noire du président Erdogan en remportant deux fois la municipalité en 2019, la première élection ayant été invalidée par le pouvoir. Ville natale du président Erdogan, c’est Istanbul qui l’a propulsé vers un destin national en l’élisant maire en 1994 et il entend bien y réinstaurer son pouvoir.
Le maire actuel, donné légèrement favori dans les enquêtes d’opinions, ne peut toutefois pas compter sur la large coalition de partis d’oppositions qui lui avait accordé sa victoire précédente. En déroute depuis la défaite du printemps, l’opposition turque ne cesse de se diviser. Les partis d’opposition de droite dure et de la gauche pro-kurde ont décidé, cette fois, de présenter leurs propres candidats, à Istanbul comme dans le reste du pays. « Les conséquences de cet éparpillement ne sont pas si importantes que cela »?
tempère néanmoins Berk Esen, professeur de sciences politiques à l’université de Sabanci. « Les électeurs d’opposition ont avant tout un réflexe de vote utile et anti-Erdogan qui devrait encore se consolider la semaine précèdent le scrutin »
estime-t-il.
Le nouveau leader de l’opposition ?
Le candidat du pouvoir à la mairie d’Istanbul, Murat Kurum, présente le profil type jeune, technocratique et loyal
qui plaît au président turc, selon Berk Esen. Mais la méfiance du leader turc face à toute personnalité politique susceptible de lui faire de l’ombre le conduit à désigner des candidats assez méconnus et dépourvus de charisme.
Ancien ministre des transports et des infrastructures, Murat Kurum a aussi longtemps accompagné et applaudi les programmes d’amnisties immobilières permettant de régulariser des constructions illégales. Des programmes longtemps très populaires, mais critiqués depuis le séisme de février 2023 qui a fait plus de 53 000 morts dans le pays et alors qu’Istanbul s’attend à vivre un séisme majeur dans les décennies à venir.
Une chose est sûre, une nouvelle victoire de l’opposant Imamoglu le propulserait pour de bon à la tête de l’opposition face à Erdogan. Mais quelle serait alors la réaction de l’ombrageux leader turc ? « Il pourrait alors chercher des moyens de l’écarter en se servant de la justice pour le rendre inéligible ou même l’emprisonner »,
prédit Berk Esen.