Avec 37,5 % des voix aux élections municipales, le CHP s’affirme comme la principale force politique de la Turquie devançant de deux points l’AKP. Comment expliquer ce désaveu d’Erdogan ? Quelles conséquences pour les relations entre la Turquie et le reste du monde ?
Radio France, le 8 avril 2024,
Pour être tout à fait honnête, on ne s’attendait pas à ce que Recep Tayip Erdogan accepte avec autant d’humilité la défaite de son camp aux municipales en Turquie. Son parti, l’AKP, a été battu dimanche dernier.
« Nous éviterons de nous entêter, d’agir contre la volonté nationale et de remettre en question le pouvoir de la Nation » a donc déclaré celui qui dirige le pays depuis 2003 (d’abord comme premier ministre puis comme chef de l’État).
On ne s’y attendait pas en raison de la dérive autoritaire du président turc.
Le putsch manqué de 2016 notamment a contribué à éloigner la Turquie des standards démocratiques.
Comme tous les autres autocrates, Erdogan semblait promis à n’engranger que des victoires lors de scrutins sans grande surprise car plus ou moins verrouillés. Il n’y aurait donc pas de fatalité en la matière.
S’il y a un vaincu, c’est donc qu’il y a un vainqueur : le Parti républicain du peuple, d’inspiration kemaliste (Mustafa Kemal Atatürk, le père de la nation turque). Un parti arrivé en tête dans les trois plus grandes villes du pays, et désormais majoritaire en nombre de voix.
« Le déclin de la démocratie est enfin terminé » a fanfaronné un de ses leaders, Ekrem Imamoglou, le maire reconduit d’Istanbul. La jeunesse turque, en tout cas, a manifesté son attachement à la laïcité, face à un président islamiste.
Peut-on dire pour autant que ce scrutin signe le début de la fin pour Recep Tayip Erdogan ?
Le président turc a surmonté bien d’autres tempêtes dans le passé, comme par exemple les manifestations de Gezi en 2013. Surtout, son mandat court jusqu’en 2028.
Jusqu’à cette date, c’est lui qui va continuer d’incarner son pays et présider aux destinées de la Turquie. Il va bien falloir faire avec.
Cette défaite aux municipales, est-ce un désaveu important pour Erdogan ?
(avec Anne-Lorraine Bujon Directrice de la rédaction de la revue Esprit, Bertrand Badie Professeur des relations internationales, Sylvie Kauffmann éditorialiste au journal « le monde », spécialiste notamment des questions internationales. Thomas Gomart Historien des relations internationales, directeur de l’Institut français des relations internationales (IFRI).