En Turquie, la police arrête Ekrem Imamoglu, maire d’Istanbul et principal opposant au président Erdogan/LE MONDE

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Le Monde, le 19 mars 2025

La veille de l’arrestation de l’édile, celui-ci avait vu son diplôme universitaire annulé, l’empêchant de fait de se présenter à la présidentielle de 2028, tandis que la primaire de son parti, le CHP, devait avoir lieu dimanche. Une centaine d’autres élus de la même formation se sont fait arrêter le même jour.

Le maire d’opposition d’Istanbul, Ekrem Imamoglu, a été interpellé, mercredi 19 mars au matin, selon son entourage, des médias locaux citant une enquête pour corruption et des liens avec le terrorisme, comme raison de son arrestation.

Dans une vidéo postée sur X, l’élu de 53 ans, en train de s’habiller et de nouer sa cravate, dénonce la fouille de son domicile : « Des centaines de policiers sont arrivés à ma porte. La police fait irruption chez moi et frappe à ma porte. Je m’en remets à ma nation », déclare-t-il. Un de ses collaborateurs a rapporté à l’Agence France-Presse que M. Imamoglu avait ensuite été arrêté et conduit dans les locaux de la police.

« Les policiers sont arrivés juste après le sahur [le repas avant le lever du jour en cette période de ramadan]. Ekrem Bey a commencé à se préparer.(…) Ils ont quitté la maison vers 7 h 30 » a témoigné l’épouse du maire, Dilek Imamoglu, sur la chaîne privée NTV.

Selon les médias locaux, qui citent un communiqué du bureau du procureur d’mandatIstanbul, M. Imamoglu est accusé d’être « à la tête d’une organisation criminelle à but lucratif » dans le cadre d’une enquête pour corruption et extorsion, ainsi que « d’aide au PKK », le Parti des travailleurs du Kurdistan, considéré comme terroriste par Ankara dans le cadre d’une deuxième enquête.

Des mandats d’arrêt ont été émis à l’encontre d’une centaine d’autres personnes, selon l’agence de presse Anatolie. Tous les rassemblements et les manifestations ont été interdits jusqu’à dimanche par le gouverneur d’Istanbul et, selon la chaîne de télévision privée NTV, la station de métro de l’emblématique place Taksim, dans le centre d’Istanbul, est fermée. Avant son interpellation, M. Imamoglu avait prévu de rassembler mercredi ses partisans sur la rive asiatique d’Istanbul. En outre, l’accès aux réseaux sociaux est ralenti.

Diplôme universitaire invalidé

Cette arrestation a eu lieu après une perquisition au domicile de M. Imamoglu, un jour après que l’université d’Istanbul a invalidé son diplôme, sous couvert de prétendues irrégularités dans son transfert, en 1990, d’une université privée du nord de Chypre à sa faculté d’administration des affaires. Selon la loi turque, il faut être titulaire d’un diplôme universitaire pour se présenter aux élections. M. Imamoglu a déclaré qu’il contesterait cette décision.

L’édile avait dénoncé une décision « illégale » et annoncé son intention de la contester en justice, estimant que le conseil d’administration de l’université stambouliote n’était pas habilité à agir ainsi. « Les droits acquis de chacun dans ce pays sont menacés », avait-il accusé.

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Le président du parti CHP (Parti républicain du peuple, social-démocrate) de M. Imamoglu, Özgur Özel, a dénoncé son arrestation, la qualifiant d’« un coup de force pour entraver la volonté du peuple » et « contre le prochain président » de la Turquie.

M. Imamoglu est seul en lice pour représenter son parti à la prochaine présidentielle et devait être officiellement désigné dimanche au cours d’une primaire au sein du CHP. Le prochain scrutin présidentiel est prévu pour 2028, mais des élections anticipées sont probables.

Election historique en 2019

Figure du CHP, principal parti d’opposition parlementaire, Ekrem Imamoglu est visé par cinq autres procédures judiciaires, dont deux ont été ouvertes en janvier. En 2023, M. Imamoglu avait déjà été empêché de facto de se présenter à la présidence, en raison d’une condamnation en suspens pour « insulte » à des responsables du comité électoral turc.

Ekrem Imamoglu a fait également appel d’une condamnation prononcée en 2022 pour avoir insulté des membres du Conseil électoral suprême de Turquie, une affaire qui pourrait entraîner une interdiction d’exercer une activité politique.

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M. Imamoglu avait été élu maire de la plus grande ville de Turquie en mars 2019, ce qui a porté un coup historique à M. Erdogan et à son Parti de la justice et du développement, qui contrôlait Istanbul depuis un quart de siècle. Le parti a fait pression pour annuler les résultats des élections municipales dans cette ville de 16 millions d’habitants, alléguant des irrégularités. Cette contestation avait donné lieu à une nouvelle élection, que M. Imamoglu avait également remportée. Le maire a conservé son siège à la suite des élections locales en 2024.

Après l’arrestation de M. Imamoglu, la livre turque a plongé à son niveau le plus bas face au dollar, ont rapporté les médias turcs. Un dollar s’échangeait contre 40 livres juste avant 9 heures (heure à Paris), avant de baisser à 39,28 livres dans les minutes suivantes. La Bourse d’Istanbul – dont le site est inaccessible – a également dû suspendre temporairement ses opérations après une chute de 6,87 % de son indice, selon les médias turcs, avant de rouvrir à 10 h30, heure locale (8 h 30 à Paris).

Le Monde avec AP et AFP

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