Le 24 juin, alors que les colonnes de véhicules des mercenaires de Wagner convergeaient vers Moscou dans une démonstration de force ou une tentative avortée de coup d’État, le président russe, Vladimir Poutine, multipliait les échanges téléphoniques avec les “dirigeants amis” de la Russie. Courrier International, le 26 juin 2023.
Mais, hormis l’Iran et quelques républiques d’Asie centrale, peu de dirigeants étrangers lui ont apporté leur soutien. Même le président kazakh Kassym-Jomart Tokaev, pourtant aidé en janvier 2022 par l’intervention de troupes russes contre ses opposants, a prudemment considéré qu’il s’agissait d’“affaires internes de la Russie”.
Toutefois, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, pourtant membre de l’Otan, n’a pas hésité, lui, a faire part au président russe de son “soutien total”, souligne le quotidien Cumhuriyet.
Gülen et Prigojine
Dans la presse progouvernementale turque, les parallèles sont nombreux avec le coup d’État manqué contre Erdogan, perpétré dans la nuit du 15 au 16 juillet 2016 et attribué à l’ancien allié d’Erdogan devenu sa bête noire, l’imam Fethullah Gülen, exilé aux États-Unis.
À l’époque, Vladimir Poutine avait déclaré son soutien à Erdogan, les services secrets russes auraient même prévenu leurs homologues turcs de l’imminence du putsch, et le dirigeant russe serait allé jusqu’à offrir à Erdogan l’intervention de forces spéciales russes, les fameux spetsnaz, alors stationnées à bord de deux navires en mer Egée, proches des côtes turques.
“Comme lors du perfide coup d’État du 15 juillet, les Russes ont utilisé des camions civils pour bloquer les routes et freiner l’avancée des putschistes”, souligne ainsi le quotidien Türkiye. “Ce que font actuellement les mercenaires de Wagner est comparable à ce qu’on fait les gülenistes, mercenaires de la CIA, le 15 juillet”, déclarait de son côté sur Twitter l’influent journaliste et ancien rédacteur en chef de Yeni Safak.
Wagner et Sadat
L’opposition, dont le candidat malheureux à la présidentielle de mai dernier, Kemal Kiliçdaroglu, continue d’affirmer détenir des preuves de l’ingérence russe dans la campagne au profit d’Erdogan, s’est aussi saisi de l’occasion pour s’exprimer.
“J’espère que les événements qui se déroulent en Russie vont servir de leçon au pouvoir pour interdire les organisations paramilitaires comme Sadat”, a ainsi déclaré Kemal Kiliçdaroglu, rapporte le média en ligne Diken.
Sadat, compagnie militaire privée turque active notamment en Syrie, en Libye et en Somalie, est régulièrement montrée du doigt par l’opposition. Son dirigeant, Adnan Tanriverdi, est un ancien général de brigade chassé de l’armée turque dans les années 1990 pour son idéologie radicale et islamiste, mais devenu par la suite conseiller d’Erdogan et fondateur de cette société miliaire privée.
Possible visite de Poutine
Bien que leurs intérêts régionaux divergent sur de nombreux dossiers (Syrie, Caucase, Libye…), les dirigeants turc et russe entretiennent de bonnes relations et coopèrent dans de nombreux domaines.
Ankara refuse, par ailleurs, de ratifier l’entrée de la Suède dans l’Otan, au sein de laquelle son armée se place au second rang en termes d’effectifs.
Une possible visite de Poutine en Turquie, une première depuis l’invasion de l’Ukraine, a même été annoncée à la mi-juin par la presse russe et des responsables du Kremlin.