Le président turc tente de ménager le pouvoir d’achat des ménages à l’approche des élections locales. L’inflation, au plus haut depuis vingt ans, réaccélère malgré la hausse des taux d’intérêt.
Le 29 décembre 2023, Vincent Collen, Les Echos.
Comment protéger le pouvoir d’achat des ménages turcs sans alimenter une spirale inflationniste déjà vertigineuse ? C’est le dilemme auquel est confronté le président Recep Tayyip Erdogan depuis sa réélection en mai dernier. Mercredi soir, Ankara a annoncé une hausse massive du salaire minimum au 1er janvier : +49 %. Il atteindra alors 17.002 livres par mois, soit 520 euros. Il avait déjà été doublé en 2023.
« Nous tenons notre promesse, éviter que les travailleurs soient écrasés par l’inflation », a déclaré le ministre du Travail, Vedat Isikhan, lors d’une conférence de presse. L’annonce était très attendue en Turquie, où plus du tiers des salariés sont payés au salaire minimum.
70 % d’inflation au printemps
La hausse des prix a atteint un niveau jamais vu depuis plus de vingt ans, et elle réaccélère après quelques mois d’accalmie due à la hausse des taux d’intérêt. La Banque centrale prévoit qu’elle atteindra 65 % en cette fin d’année, elle grimperait à plus de 70 % au printemps.
Le pouvoir d’achat est la préoccupation numéro un des ménages turcs à l’approche des élections locales de mars. L’AKP d’Erdogan espère capitaliser sur sa victoire à la présidentielle de mai dernier et emporter les mairies des grandes villes comme Istanbul, Ankara et Izmir, tenues aujourd’hui par l’opposition.
Recul de la livre turque
La confédération des syndicats demandait une hausse plus importante du salaire minimum, à 18.000 livres en janvier, et une seconde augmentation plus tard l’an prochain. Mais Erdogan essaie de limiter le risque d’une accélération du cycle inflationniste que provoquerait une hausse trop importante des revenus des ménages.
Depuis sa réélection, il cherche à rétablir la confiance des investisseurs, échaudés par cinq ans de politique monétaire hétérodoxe qui a fait fuir les capitaux étrangers et nourri une inflation hors de contrôle.
Les investisseurs sont aux aguets. Jeudi, au lendemain de l’annonce du ministre du Travail, le rendement des obligations d’Etat turques a progressé, signe d’une prime de risque plus élevée. Et la livre turque s’est effritée face au dollar. Elle a déjà perdu plus du tiers de sa valeur par rapport au billet vert depuis le début de l’année.
Hausse massive des taux
Erdogan a d’autant plus de raisons d’être prudent qu’il ne peut plus vraiment jouer sur la politique monétaire pour calmer l’inflation. Les taux d’intérêt ont déjà été massivement relevés depuis la présidentielle par la nouvelle gouverneure de la banque centrale, Hafize Gaye Erkan . Le taux directeur est passé de 8,5 % à 42,5 % en six mois, au plus haut depuis vingt ans. Il ne reste plus beaucoup de marges de progression.