Mehmet Simsek, 56 ans, ancien économiste de la banque américaine Merrill Lynch, aura pour tâche de rétablir un peu d’orthodoxie dans la politique financière du pays, qui a enregistré une inflation à 73 % en 2022. Le Monde rapporte du 3 juin 2023.
Recep Tayyip Erdogan, au pouvoir depuis vingt ans, a entamé samedi 3 juin son troisième mandat de président sous une pluie violente qui s’est abattue sur Ankara. Le chef de l’Etat de 69 ans, réélu le 28 mai avec 52 % des suffrages, a prêté serment devant le Parlement pour un nouveau mandat de cinq ans et promis « d’assumer son devoir avec impartialité ». « En qualité de président, je jure de protéger l’existence et l’indépendance de l’Etat, l’intégrité de la patrie, la souveraineté inconditionnelle de la nation, l’Etat de droit [et] le principe d’une république laïque » telle que conçue par Atatürk, le « père des Turcs », a déclaré le président connu pour la défense de positions islamo-conservatrices.
Recep Tayyip Erdogan a présenté samedi soir un nouveau gouvernement presque entièrement rénové qui fait appel à un expert pour redresser l’économie, en la personne de Mehmet Simsek, 56 ans. Déjà ministre des finances (2009-2015) puis vice-premier ministre chargé de l’économie (jusqu’en 2018), M. Simsek, ancien économiste de la banque américaine Merrill Lynch, aura pour tâche de rétablir un peu d’orthodoxie dans la politique financière du pays afin de ramener la confiance des investisseurs.
Il doit notamment mettre fin à la politique des taux d’intérêt à la baisse défendue par le président − à rebours des théories classiques − pour encourager la production, mais qui a surtout fait flamber l’inflation de 73 % en moyenne sur l’année 2022 et jusqu’à 85 % à l’automne dernier. La monnaie nationale était en chute libre à plus de 20,88 livres turques pour un dollar vendredi (22,5 pour un euro) malgré des milliards de dollars engloutis durant la campagne pour en retarder le naufrage.
L’entrée de la Suède dans l’OTAN
Autre dossier brûlant, l’entrée de la Suède dans l’Alliance atlantique, barrée depuis treize mois par un veto turc. Le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg – présent à l’investiture samedi –, aimerait y parvenir avant un sommet de l’Organisation à Vilnius prévu en juillet. « Message limpide à nos amis suédois ! Respectez vos engagements (…) et prenez des mesures concrètes dans la lutte contre le terrorisme. Le reste suivra », a tweeté jeudi soir le désormais ex-ministre des affaires étrangères, Mevlüt Çavusoglu, remplacé dans le nouveau gouvernement par Hakan Fidan, ancien chef du MIT, le service des renseignements turcs.
Malgré une Constitution amendée et une nouvelle loi contre le terrorisme, Ankara reproche toujours à la Suède d’abriter des réfugiés kurdes qu’il qualifie de « terroristes ». Stockholm a d’ailleurs autorisé une manifestation dimanche sur le thème « Non à l’OTAN, pas de lois Erdogan en Suède », organisée notamment par des associations de soutien aux groupes armés kurdes en Syrie.
Alliés habituels
Le président truc a retrouvé dans la soirée, au palais présidentiel, le premier ministre arménien Nikol Pachinian qui avait pris place au côté des alliés traditionnels de la Turquie comme le président d’Azerbaïdjan Ilham Aliev, les premiers ministres de Hongrie, Viktor Orban, et du Qatar, Mohammed ben Abderrahmane Al-Thani, qui furent parmi les premiers à le féliciter pour sa réélection. L’Arménie et la Turquie n’ont jamais officiellement établi de relations diplomatiques et leur frontière commune est fermée depuis les années 1990, mais un rapprochement a été amorcé depuis le début 2022, en dépit du soutien affiché d’Ankara à Bakou sur la question du Haut-Karabakh qui oppose Erevan à l’Azerbaïdjan.
M. Erdogan, contraint pour la première fois à un deuxième tour, a obtenu 52,18 % des votes contre 47,82 % à son opposant, le social-démocrate Kemal Kiliçdaroglu, selon les résultats officiels publiés jeudi, au terme d’une campagne amère qui laisse le pays polarisé entre les deux camps. Le Parlement, élu le 14 mai en même temps que se tenait le premier tour de la présidentielle, a pris pour sa part ses quartiers vendredi à Ankara : le parti AKP du président et ses alliés y détiennent la majorité des 600 sièges.