En Turquie, cette ville-fantôme est à l’abandon depuis un siècle / Johanna Seban / GEO

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Inhabité depuis un siècle, le village abandonné de Kayaköy, en Turquie attire les visiteurs.

GEO, le 29 août, 2024

Des dizaines de maisons en ruines, souvent sans toits ni fenêtres et aux façades défraîchis. Dans la province de Muğla, au sud-ouest de la Turquie, Kayaköy est un village fantôme, qui surplombe les eaux cristallines de la mer Égée. Les hommes y brillent par leur absence : en dehors de quelques touristes, vous n’y croiserez personne, ou presque.

Il y a tout juste un siècle pourtant, révèle CNN, cette petite cité, alors appelée Levissi, était une ville animée, où habitaient plusieurs dizaines de milliers de chrétiens orthodoxes grecs, dont beaucoup étaient artisans. Ceux-ci vivaient paisiblement aux côtés des agriculteurs turcs musulmans de la région.

Mais les tensions avec la Grèce voisine, après la fin de la guerre gréco-turque en 1922, ont eu raison de cette cohabitation. Suite au démantèlement de l’empire Ottoman, la Turquie et la Grèce ont alors procédé à un échange de population : les chrétiens ont été rapatriés en Grèce, les musulmans en Turquie.

Kayaköy a alors accueilli une population de musulmans turcs originaires de Kavala, en Macédoine. Mais ces derniers, précise CNN, ne se sont finalement pas plus dans leur nouvelle ville, qu’ils ont fini par quitter et laisser à l’abandon.

De très rares habitants restés sur place

Parmi les très rares habitants restés sur place, se trouvaient les grands-parents d’Aysun Ekiz, dont la famille tient aujourd’hui un petit restaurant près de l’entrée principale de Kayaköy, pour nourrir les touristes venus visiter la ville. « Les Grecs pleuraient car ils ne voulaient pas partir, m’ont raconté mes grands-parents », explique celle qui vend aujourd’hui des bijoux faits main aux visiteurs.

CERTAINS ONT MÊME LAISSÉ LEURS ENFANTS DERRIÈRE EUX POUR ÊTRE PIRS EN CHARGE PAR DES AMIS TURCS ILS PENSAIENT REVENIR. MAIS ILS NE SONT JAMAIS REVENUS.

Ekiz explique que la famille de ses grands-parents était composée de bergers et que celle-ci s’est donc facilement adaptée à la vie loin de la ville. Mais la plupart des autres habitants arrivés sur place ne se sont pas épanouis à Kayaköy notamment, dit-elle, parce que les murs des maisons étaient peints en bleu, une couleur censée éloigner les scorpions ou les serpents.

2 500 maisons en ruine

Si la couleur se devine encore çà et là sur les murs des 2 500 habitations, la plupart des éléments décoratifs n’ont pas survécu. Le temps a considérablement abîmé le village de Kayaköv, ainsi que les nombreuses intempéries et catastrophes naturelles.

« Il y a eu des tremblements de terre, des tempêtes. Le climat, le temps, les pluies… Tout a eu un impact sur cet endroit fascinant », explique Jane Akatay, co-autrice de A Guide to Kayaköy. « Et au fil des ans, le mortier qui maintenait les maisons s’est effrité, et les choses s’effondrent si on ne s’en occupe pas. »

Un billet d’entrée à 3 euros

Pour visiter Kayaköy, les visiteurs doivent aujourd’hui acheter un billet d’entrée à 3 euros. Ils peuvent ensuite arpenter les ruelles librement et découvrir l’ancienne école, les églises ou encore la fontaine.

Difficile d’imaginer ce que raconte Ekiz : Kayaköy était autrefois relativement prospère et considérée comme l’épicentre commercial de la région. Bâtiment le plus emblématique de la ville, l’église, ne se visite malheureusement pas en raison de sa détérioration avancée.

« Mais parce que la plupart des bâtiments sont intacts, on peut quand même ressentir ce qu’était la vie ici », se réjouit Yiğit Ulaş Öztimur, un visiteur turc originaire d’Ankara. Des sentiers de randonnées balisés traversent également la ville et la relient aux communes voisines, empruntant chaque année par de nouveaux curieux.

Le cas de Kayaköy est loin d’être isolé. Partout dans le monde, les villes et villages fantômes, témoignages extraordinaires de modes de vie disparus, continuent d’attirer les visiteurs.

Johanna Seban est journaliste pour la rubrique Voyage de Geo.fr. Après des études à Londres puis une formation de journalisme au CFPJ à Paris, elle rejoint en 2003 la rédaction d’un hebdomadaire culturel.

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