« La cour suprême a retenu « plusieurs obstacles » à la remise aux autorités turques de Bülent Kenes, notamment accusé par Ankara d’avoir été complice de la tentative de coup d’Etat de 2016″ dit Le Monde du 19 décembre 2022.
C’était une réclamation personnelle du président turc, Recep Tayyip Erdogan, pour donner son accord à l’entrée de la Suède dans l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN). Mais la Cour Suprême suédoise a rejeté, lundi 19 décembre, la demande d’extradition de la Turquie pour le journaliste Bülent Kenes.
La haute juridiction, chargée des recours contre les extraditions, a retenu « plusieurs obstacles » à la remise aux autorités turques de cet ex-rédacteur en chef, accusé par Ankara d’avoir été complice de la tentative de coup d’Etat de 2016 et d’être membre du mouvement güléniste.
La Cour suprême a relevé son statut de réfugié en Suède, le fait que les accusations portées contre lui relèvent de « crimes politiques » ou ayant trait à la sécurité de l’Etat turc, et enfin le fait qu’être membre du mouvement du prédicateur Fethullah Gülen n’est pas répréhensible en Suède, détaille-t-elle dans un communiqué. « Il y a aussi un risque de persécution sur la base de ses convictions politiques. Une extradition ne peut donc pas avoir lieu », a déclaré le juge Petter Asp.
L’ancien éditorialiste du quotidien en anglais Today’s Zaman s’est dit « heureux » de la décision, mais a accusé « le régime d’Erdogan » d’avoir « fabriqué les accusations » contre lui. « Je suis un journaliste, pas un terroriste », a-t-il affirmé, en se disant « certain que le régime utilisera d’autres méthodes pour rendre ma vie ici aussi difficile que possible ».
Menace de blocage
En dehors de la Hongrie qui doit ratifier l’adhésion de la Suède et de la Finlande au début de 2023, la Turquie est le seul pays à menacer d’empêcher l’adhésion à l’OTAN des deux pays nordiques, décidée dans la foulée de l’invasion de l’Ukraine par la Russie.
Ankara, Stockholm et Helsinki avaient signé un mémorandum d’accord lors du dernier sommet de l’OTAN, en juin, mais M. Erdogan avait de nouveau menacé de bloquer la ratification indispensable dès le lendemain.
Lors d’une visite du premier ministre suédois, Ulf Kristersson, pour convaincre le chef de l’Etat turc, ce dernier avait été interrogé sur les dizaines d’extraditions réclamées par Ankara dans le cadre des discussions. Le chef de l’Etat turc n’avait alors cité qu’un seul nom à titre d’exemple : celui de M. Kenes, 53 ans, qu’il accuse d’être un « terroriste ».
Les extraditions de militants kurdes ou de personnalités hostiles au régime turc réfugiées en Suède sont le point le plus délicat des exigences formulées par Ankara. Le gouvernement suédois rappelle que la justice du pays nordique est indépendante, a le dernier mot, et que les décisions déjà prises ne peuvent être remises en cause.
Lire aussi : En Suède, les opposants turcs, monnaie d’échange dans les tractations sur l’adhésion à l’OTAN
Le Monde, 19 décembre 2022, Photo/FREDRIK SANDBERG/TT News Agency/AFP via Getty Images