En campagne électorale, le président turc a mis en avant sa lutte antiterroriste dans la mort de Abou Hussein al-Qourachi. Par Hala Kodmani, Libération, le 2 mai 2023.
Les services turcs ont tué le chef récemment désigné de l’organisation de l’Etat islamique (EI) samedi dans le nord de la Syrie. L’annonce a été faite dimanche soir par Recep Tayyip Erdogan lors d’une interview télévisée sur la chaîne officielle TRT Türk. «Le chef présumé de Daech, nom de code Abou Hussein al-Qourachi, a été neutralisé lors d’une opération menée hier par le MIT [les services secrets turcs] en Syrie», a déclaré le chef de l’Etat turc.
Le fait est doublement significatif. C’est la première fois que la Turquie mène une telle opération contre un chef jihadiste de premier plan. Celle-ci est annoncée par le président-candidat en pleine campagne pour sa réélection après une suspension de quelques jours pour raison de santé. Cette relance mettant en avant sa lutte anti-terroriste peut valoir à Erdogan de gagner des points auprès de ses électeurs comme à l’international.
Une grosse explosion
Les services de renseignement turcs suivaient la trace du dirigeant de l’EI «depuis longtemps», a affirmé le président Erdogan, sans fournir davantage de détails sur les circonstances de l’opération. Mais plusieurs sources sur le terrain ont indiqué qu’un raid avait été mené près de la localité de Jindires, dans la région d’Afrin (nord-ouest), à une dizaine de kilomètres de la frontière turque. Une zone contrôlée par des groupes rebelles syriens soutenus par la Turquie et durement frappée par le séisme en février. Selon les témoins, les services de renseignement turcs et la police militaire locale ont bouclé un périmètre autour d’une ferme abandonnée qui servait par le passé d’école islamique. Après des tirs qui ont duré jusque tard dans la nuit de samedi à dimanche, une grosse explosion s’est produite, ont indiqué des habitants. Les services de sécurité ont ensuite encerclé la zone pour empêcher quiconque de l’approcher.
Abou Hussein al-Qourachi est le quatrième dirigeant de l’EI éliminé depuis Abou Bakr al-Baghdadi, tué lors d’une opération américaine en octobre 2019. Les deux premiers successeurs du fondateur du groupe jihadiste avaient été également «neutralisés» par des raids américains en Syrie en février et en novembre 2022. L’armée américaine avait annoncé en avril avoir tué deux autres chefs de l’EI. Le premier, identifié comme étant Khalid Ayed Ahmed al-Jabouri, a été présenté comme l’un des organisateurs d’attentats en Europe. Le deuxième, tué le 17 avril dans un raid mené par hélicoptère, selon le Pentagone, était un chef militaire de premier plan de la centrale jihadiste. Le commandement militaire des Etats-Unis pour le Moyen-Orient (Centcom) avait précisé qu’il s’agissait d’Abdel Hadi Mahmoud al-Haji Ali qui «planifiait» des attaques en Europe et au Moyen-Orient.
L’EI n’avait pas confirmé lundi la mort de son chef au nord de la Syrie. Mais il est dans ses habitudes d’annoncer d’abord le nom de son remplaçant désigné, avant de reconnaître «le martyre» de son dirigeant.