« Ankara refuse de laisser passer les navires transportant du pétrole dans ses eaux si ceux-ci ne sont pas en mesure de prouver qu’ils ont souscrit une assurance particulièrement coûteuse, assure “Middle East Eye”. Le risque : déstabiliser encore le marché de l’énergie » rapporte Courrier International du 10 décembre 2022.
“Aucun signe d’apaisement” dans la bataille entre les autorités turques et les assureurs. Au moins 28 bateaux transportant entre 15 et 25 millions de barils de pétrole étaient encore bloqués en mer Noire le 9 décembre, raconte le reporter Sean Mathews dans Middle East Eye. Cet encombrement, “qui risque d’augmenter l’instabilité du marché mondial de l’énergie”, est lié à une nouvelle réglementation turque, mise en place dans le sillage des mesures occidentales sur le pétrole russe.
Les navires pétroliers souhaitant emprunter les détroits du Bosphore et des Dardanelles doivent ainsi fournir des documents prouvant qu’ils possèdent un type spécifique et extrêmement coûteux d’assurance, ce que refusent la plupart des assureurs occidentaux. “Nous sommes dans une impasse, cela ne fait aucun doute, affirme Neil Roberts, du marché de l’assurance britannique Lloyd’s Market Association, sur le site d’information panarabe. Les Turcs demandent des garanties que les assureurs ne peuvent tout simplement pas leur donner.”
Un filtre favorable aux bateaux russes
Pour la Turquie, la vérification des assurances doit permettre d’éviter le passage de “navires fantômes”, transportant des hydrocarbures sans se conformer au plafonnement des prix mondiaux du pétrole russe. La mesure, décidée début décembre par les pays du G7, l’Union européenne et l’Australie, interdit en effet aux entreprises occidentales d’assurer les navires transportant du pétrole vendu à plus de 60 dollars le baril.
Mais dans les faits, la majorité des bateaux en mesure de prouver qu’ils sont assurés “sont ceux qui possèdent une assurance russe, Moscou étant enclin à fournir les documents demandés par Ankara”.
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Pour les pays occidentaux, la situation est particulièrement “frustrante”, assure Middle East Eye. D’autant que “la majorité des bateaux bloqués par la Turquie transportent du pétrole du Kazakhstan, où des entreprises comme Chevron, ExxonMobil et Total participent aux opérations sur place”. Or le pétrole kazakh n’est pas concerné par les sanctions occidentales.
Installé à Londres, le média indique que “cette impasse met en lumière le rôle décisif de la Turquie dans le dossier ukrainien”. Si les États-Unis refusent de voir l’influence de Moscou derrière l’affaire des pétroliers bloqués, Ankara apparaît depuis plusieurs mois comme l’enfant rebelle de l’Alliance atlantique. Le gouvernement turc bloque notamment l’adhésion de la Finlande et de la Suède à l’Otan pour “faire avancer ses propres objectifs de politique étrangère”.
Courrier International, 10 décembre 2022, Photo/Mehmet Emin Caliskan/Reuters