« À l’approche des élections présidentielle et parlementaires du 14 mai, les différents partis d’opposition multiplient les déclarations et les mises en scène hostiles aux réfugiés, tandis que le gouvernement durcit sa politique à leur égard » rapporte Courrier International du 19 janvier 2023.
Récemment créé et fondé sur le rejet des réfugiés, le microparti d’extrême droite Zafer Partisi, actuellement crédité de plusieurs points d’intention de vote, a lancé une nouvelle campagne d’exclusion, rapporte le média en ligne Bianet.
Baptisée “Zafer Tourisme” et promue à grand renfort de vidéos sur le réseau social Twitter, l’initiative propose aux citoyens turcs d’indiquer le nom d’un réfugié syrien qu’il souhaiterait voir déporter et d’envoyer une somme d’argent afin de financer la mise en place de bus pour reconduire les exilés dans le nord de la Syrie. Ci-dessous, la vidéo partagée par Umit Ozdag, le leader du Zafer Partisi :
Actuellement, environ 3,5 millions de réfugiés syriens sont installés en Turquie et empêchés de partir pour l’Europe. Or ils font face à un rejet croissant de la société turque et sont devenus un point central des manœuvres électorales, à l’approche du scrutin présidentiel et législatif du 14 mai.
L’initiative du Zafer fait écho à celle du CHP, le principal parti d’opposition [kémaliste, c’est-à-dire laïc et nationaliste], dont plusieurs mairies affrètent régulièrement des bus pour “aider” au rapatriement volontaire des réfugiés. Au début de janvier, une telle cérémonie de départ avait été organisée dans le district stambouliote d’Esenyurt, en présence de Kemal Kiliçdaroglu, chef du CHP et possible candidat à la présidentielle face à Erdogan.
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Mais l’événement a été annulé à la dernière minute, le pouvoir ayant envoyé les services d’immigration et la police arrêter les 42 réfugiés au petit matin à leur domicile pour les renvoyer lui-même et couper ainsi l’herbe sous le pied à l’opposition. “Ils avaient organisé un show autour des réfugiés, mais ils étaient déjà en route pour la frontière” titre, goguenard, un article du quotidien islamo-nationaliste Yeni Safak.
Retours contraints et déportations illégales
Les conditions de vie difficiles en Turquie, pays qui traverse une grave crise inflationniste, et l’hostilité grandissante à leur égard poussent de plus en plus de réfugiés à choisir de retourner dans leur pays, malgré les nombreux risques que cela comporte. En 2022, ce sont près de 60 000 réfugiés syriens qui ont ainsi fait le choix du retour, avance le quotidien Sözcü [et 539 000 depuis dix ans].
Mais tous les retours ne sont pas volontaires, dénoncent régulièrement des associations de défense des droits humains. Pressé par l’opposition et désireux de faire monter les chiffres des expulsions, le pouvoir se livre à des renvois illégaux, signale notamment le député HDP [parti qui rassemble une partie de la minorité kurde et la gauche turque] Ömer Gergerlioglu, dans les colonnes du média Arti Gerçek :
“Ils arrêtent des gens au hasard et les déportent rapidement et discrètement, par petits groupes, pour ne pas attirer l’attention de la communauté internationale.”
Soucieux d’apparaître auprès de son électorat comme capable de renvoyer les réfugiés à moyen terme, le président Erdogan s’est rapproché, il y a plusieurs mois, du régime de Damas et se dit même désormais favorable à une rencontre avec Bachar El-Assad.
Courrier International, 19 janvier 2023