Le 14 mai, 60 millions de Turcs sont appelés à voter pour élire le président de la République et les 600 députés. Fin de règne ou règne sans fin pour Erdogan ? Par Guillaume Perrier, Le Point du 19 avril 2023.
L e 14 mai prochain, les électeurs turcs sont appelés à voter à la fois pour les élections présidentielle et législatives. Mode d’emploi.
Élection présidentielle
Quatre candidats se présentent au premier tour. Si aucun d’eux n’obtient 50 % des voix au premier tour, un second tour départagera les deux meilleurs le 28 mai.
– Muharrem Ince, instituteur âgé de 59 ans et ancien candidat à la présidentielle en 2018 – il avait obtenu 30 % des voix et était arrivé en deuxième position. Il a ensuite quitté le CHP (Parti républicain du peuple) pour fonder son propre mouvement dissident, le Parti du pays natal (Memleket partisi).
– Sinan Ogan, 55 ans, ancien député du parti d’extrême droite MHP (Parti d’action nationaliste), dont il a été exclu en 2015. Proche de l’Azerbaïdjan, il dirige une coalition de cinq groupuscules ultranationalistes, panturquistes et antimigrants, baptisée Alliance des ancêtres.
Ces deux petits candidats resteront, selon toute vraisemblance, sous les 5 % et n’ont aucune chance de rallier le second tour. Afin de se présenter au premier tour, ils ont peiné à réunir les 100 000 signatures nécessaires, bien aidés par les partisans de Recep Tayyip Erdogan. Pour ce dernier, c’est une manière d’affaiblir son principal adversaire, Kemal Kiliçdaroglu.
– Kemal Kiliçdaroglu, 74 ans, ancien fonctionnaire de la sécurité sociale. Il préside depuis 2010 le CHP (Parti républicain du peuple, kémaliste), héritier du parti unique d’Atatürk, mais il n’a jamais été candidat à la présidentielle, laissant de seconds couteaux se présenter en 2014 et en 2018. À la tête d’une opposition longtemps très timorée face aux dérives du régime, il a pris de l’assurance après 2017, lorsqu’il a pris la tête d’une « marche pour la justice » entre Ankara et Istanbul. Les municipales de 2019 voient également son parti remporter toutes les grandes villes turques. Kiliçdaroglu est à la tête d’Alliance de la nation, dite aussi Table des six, coalition hétérogène qui regroupe des sociaux-démocrates, des nationalistes et des islamistes. Fait notable, il a recueilli le soutien implicite du parti prokurde HDP, qui a choisi de ne pas présenter de candidat.
– Recep Tayyip Erdogan, 69 ans, fondateur et président de l’AKP (Parti de la justice et du développement), installé au sommet du pouvoir depuis mars 2003. Il est sorti vainqueur de toutes les élections auxquelles il s’est présenté depuis : législatives en 2003, 2007, 2011, 2015 et 2018, présidentielle en 2014 et 2018… Comme pour la dernière élection, il a noué avec plusieurs partis d’extrême droite, dont les Loups gris du MHP (Parti d’action nationaliste), l’Alliance de la République.
Élections législatives
Deux grandes coalitions se partagent l’essentiel du paysage politique. Ces alliances ne se font pas sur des bases idéologiques puisque chacune regroupe aussi bien des formations islamistes et conservatrices que des partis nationalistes issus des Loups gris.
– L’Alliance de la République, formée autour d’Erdogan, représente les partis suivants :
l’AKP (Parti de la justice et du développement), islamiste et nationaliste ;
le MHP (Parti d’action nationaliste), ultranationaliste, est un parti néofasciste et militariste, socle des fameux Loups gris ;
le BBP (Parti de la grande union), ultranationaliste, scission religieuse du MHP ;
Cette coalition a été rejointe par le Hüda-Par, un parti fondamentaliste et kurde dont les membres ont été liés à des dizaines de crimes politiques dans les années 1990-2000.
Le parti de la gauche prokurde, le HDP (Parti de la démocratie des peuples), troisième force politique de Turquie et crédité de 10 à 13 % dans les sondages, a renoncé à se présenter sous cette étiquette, par crainte d’une dissolution juste avant les élections. Ses candidats se présenteront sous la bannière du YSP (Parti de gauche des Verts). Leurs résultats pourraient déterminer de quel côté penchera la majorité.
– L’Alliance de la nation, ou Table des six :
le CHP (Parti républicain du peuple), kémaliste, héritier d’Atatürk ;
le parti IYI, (Bon Parti), nationaliste, issu d’une scission du MHP ;
le DP (Parti démocrate), centre droit ;
le Saadet Partisi (Parti de la félicité), islamiste, parti dont l’AKP s’est détaché en 2001 ;
le Gelecek Parti (Parti du futur), islamiste, fondé en 2019 par l’ancien Premier ministre d’Erdogan Ahmet Davutoglu, dissident de l’AKP ;
le Deva Partisi (Parti du progrès et de la démocratie), islamiste, fondé en 2019 par Ali Babacan, ancien ministre des Affaires étrangères et de l’Économie d’Erdogan.
Le parti de la gauche prokurde, le HDP (Parti de la démocratie des peuples), troisième force politique de Turquie et crédité de 10 à 13 % dans les sondages, a renoncé à se présenter sous cette étiquette, par crainte d’une dissolution juste avant les élections. Ses candidats se présenteront sous la bannière du YSP (Parti de gauche des Verts). Leurs résultats pourraient déterminer de quel côté penchera la majorité.