Le Premier ministre grec était en visite officielle en Turquie ce lundi, dans un climat apaisé entre les deux pays. Mais l’“agenda positif” prôné par les chefs d’État peine à cacher les profonds désaccords et à convaincre la presse grecque.
Courrier International, le 15 mai 2024, par Alexandros Kottis
Rapprochement réel ou politesse de façade ? La rencontre entre le Premier ministre grec, Kyriakos Mitsotakis, et le président turc, Recep Tayyip Erdogan, ce lundi 13 mai à Ankara, s’inscrit dans un contexte d’apaisement des relations diplomatiques entre la Grèce et la Turquie.
“Cinq mois après leur dernière réunion à Athènes, en décembre dernier, accompagnée par la signature de la déclaration d’Athènes sur l’amitié et les relations de bon voisinage […], le but était de maintenir le calme dans les eaux de la mer Égée, de garder les canaux de communication ouverts et de poursuivre avec l’agenda positif gréco-turc”, commente I Kathimerini.
À Ankara, plusieurs accords de coopération ont été annoncés en matière de santé et de protection civile, ainsi que la création d’un conseil d’affaires gréco-turc. “Ces annonces, sans en minimiser la valeur, ne vont pas transformer la vision d’ensemble des relations entre les deux pays”, tempère pourtant le grand quotidien de centre droit.
Désaccords chorégraphiés
Le statut de la minorité musulmane de Thrace, la délimitation des frontières, les recherches d’hydrocarbures en mer Égée et la question chypriote restent des profonds sujets de divergence entre les deux pays, à peine survolés par les deux parties.
“Les désaccords devant les caméras entre le Premier ministre grec et le président turc semblaient chorégraphiés, évitant d’aborder la ‘patate chaude’ de la délimitation de la zone économique exclusive sur laquelle, bien entendu, aucun progrès substantiel n’a été réalisé”, tance ainsi le média d’opposition News 247.
La récente conversion du monastère byzantin Saint-Sauveur-in-Chora d’Istanbul en mosquée, quatre ans après celle de la basilique Sainte-Sophie, a fait grincer des dents en Grèce, mais le Premier ministre grec s’est contenté d’exprimer sa “tristesse” et son “désaccord”.
“Nous avons attendu en vain une réaction sérieuse des autorités grecques face à l’indécence de notre voisin Erdogan de transformer le monastère de Chora, autre monument byzantin emblématique d’Istanbul, en mosquée”, regrette l’hebdomadaire de gauche Documento.
“Aucune illusion”
Les désaccords bilatéraux ont finalement été éclipsés par la divergence de positions entre Athènes et Ankara sur le contexte international et la guerre en Palestine.
“Malgré les efforts déployés pour maintenir les déclarations communes dans le cadre de l’agenda positif, les deux dirigeants se sont publiquement opposés l’un à l’autre au sujet du massacre en Palestine”, retient ainsi le quotidien de gauche Efsyn.
Répondant au Premier ministre grec, Kyriakos Mitsotakis, sur le droit d’Israël à se défendre, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a notamment déclaré :
“Je ne vois pas le Hamas comme une organisation terroriste. Au contraire, je le vois comme une organisation révolutionnaire dont les terres ont été occupées depuis 1947.”
Ta Nea ne veut se faire “aucune illusion” quant aux relations gréco-turques. “Il faut reconnaître que la fièvre géopolitique est redescendue. En revanche, il faut rappeler qu’aucun problème n’a été résolu”, conclut le quotidien centriste.