Recep Erdogan se rend ce vendredi en Allemagne, où près de trois millions d’habitants sont d’origine turque. Une visite qui s’annonce tendue, en pleine guerre entre Israël, qualifié d’État terroriste par le président turc, et le Hamas.
Le 17 novembre 2023, Avril Pierre, Le Figaro.
Quelques jours avant la venue, ce vendredi 17 novembre, de Recep Tayyip Erodgan, des rumeurs annonçaient la présence du président turc, samedi à l’Olympiastadion de Berlin pour un match de foot opposant la Mannschaft à l’équipe nationale turque. La rumeur a été finalement démentie, mais elle illustre le poids de l’opinion publique turque dans le débat outre-Rhin.
La communauté, particulièrement visible à Berlin et en Rhénanie du Nord Westphalie, bien qu’éclatée dans tout le pays, regroupe 2,9 millions de personnes issues de l’immigration, dont 1,5 million possèdent la nationalité turque. Lors des élections présidentielles du printemps dernier, cette tranche a voté à 67 % en faveur du leader de l’AKP, un score nettement supérieur à la moyenne nationale bien que la participation ait à peine dépassé les 50 %.
« Une Allemagne sans eux n’est tout simplement plus imaginable « Le président fédéral Walter Steinmeier en 2021.
«En Allemagne, les supporters d’Erdogan fêtent la victoire sans réfléchir aux conséquences de leurs actes. C’est pourtant ce que font de nombreuses personnes en Turquie en raison de la pauvreté et de l’absence de liberté », s’était permis de critiquer à l’époque, le ministre allemand de l’agriculture, Cem Özdemir…dont la mère est arrivée en 1964 dans le pays. C’est l’époque où la diaspora s’est établie outre-Rhin dans la foulée d’un accord de main-d’œuvre, dont le soixantième anniversaire a été célébré en 2021.
«Une Allemagne sans eux n’est tout simplement plus imaginable», avait salué cette année-là, le président fédéral Walter Steinmeier, en énumérant ces «artistes, musiciens, entrepreneurs, juges procureurs, députés, ministres» qui ont façonné l’Allemagne contemporaine. Et principalement issus de la seconde génération. Parmi eux, le couple Ugur Sahin et Özlem Türeci, fondateurs du laboratoire Biontech à Mayence, découvreur du vaccin contre le Corona développé avec Pfizer. Ou encore le cinéaste Fatih Akin, multimédaillé dans les grands festivals, à Cannes, Berlin ou Venise, le footballeur capitaine de la Mannschaft, Ilkai Gündogan.
Le poids des religieux turcs
La médaille a aussi ses revers. Après des débuts chaotiques, l’intégration de la communauté n’a véritablement débuté qu’avec la seconde génération. Une part très supérieure à la moyenne nationale vit en dessous du seuil de pauvreté, reste dépendante des allocations sociales ou est frappée par le chômage. Cette communauté est à l’occasion montrée du doigt lors d’incidents violents, notamment dans le quartier de Neukölln, à Berlin. Elle est aussi victime d’attentats racistes, comme à Halle et Hanau en 2019 et 2020.
Des responsables allemands se plaignent régulièrement du poids des relais religieux turcs, qui s’exercent en particulier à travers l’Union turco-islamiste de l’Office pour la religion (DITIB) proche du régime. Les imams sont envoyés en Allemagne par l’administration turque des affaires religieuses. C’est sous la pression du DITIB que la mairie de Cologne, en Rhénanie du Nord Westphalie, avait autorisé la grande mosquée de la ville, contrôlée par cette organisation, à organiser des appels réguliers à la prière par haut-parleur. Le projet qui n’a pas été soutenu par les autres organisations musulmanes de la ville, ne s’est néanmoins pas concrétisé.
Le DITIB s’est abstenu de dénoncer l’attaque du Hamas du 7 octobre, tout comme Erdogan qui a qualifié Israël «d’État terroriste». Une déclaration qui a mis en porte à faux le président de la communauté turque (TGD). «Je ne salue pas forcément cette visite mais je n’y suis pas non plus opposé. Vu la situation dans le monde et les relations germano-turques, il est préférable de rester en contact», a déclaré Gökay Sofuoglu.