« La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a condamné mardi 5 juillet la Turquie pour avoir fait appliquer un texte régissant une fondation datant de l’époque ottomane, au XVIe siècle, et qui établissait une discrimination fondée sur le sexe » dit Le Figaro du 5 juillet 2022.
La fondation Örfioglu a été créée en 1536, à l’époque ottomane, à Diyarbakir. Dans le droit turc elle relève de la catégorie des fondations «mülhak», c’est-à-dire gérées par les descendants du fondateur. «Ses revenus sont affectés à certaines œuvres de charité et l’excédent de revenus est versé aux +descendants du fondateur+ par degré de arenté en ligne directe», note la CEDH, bras judiciaire du Conseil de l’Europe. En 2015, le patrimoine de Örfioglu était estimé à environ 207 millions d’euros et ses revenus annuels étaient d’environ 3,7 millions d’euros.
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Dans cette affaire les requérants se plaignent qu’une descendante en ligne directe du fondateur n’ait pas pu bénéficier de l’excédent de revenus lui revenant au motif qu’elle était une femme. L’acte constitutif de la fondation prévoyait en effet que seuls les descendants de sexe masculin pouvaient bénéficier de ces excédents de revenus. «Cette pratique procède de conceptions sociales et morales et d’une vision archaïque du rôle de la femme qui n’ont plus cours dans la société turque et plus largement dans les sociétés européennes», souligne la CEDH.
Mais les tribunaux turcs «se sont contentés d’établir puis d’appliquer la volonté du fondateur, tel qu’exprimée dans l’acte constitutif, sans chercher à la confronter aux règles d’ordre public», regrette la cour basée à Strasbourg (France). «Elles ne semblent nullement s’être souciées de vérifier la conformité de la volonté du fondateur à la Convention, à la Constitution ou aux lois, alors même qu’elle soulevait manifestement une question au regard du principe de non-discrimination et du principe de l’égalité entre hommes et femmes».
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La Turquie a ainsi violé l’article 14 de la Convention européenne des droits de l’homme (interdiction de la discrimination), combiné avec l’article 1 du Protocole N°1 (protection de la propriété). En réparation, la CEDH estime que «le moyen le plus approprié pour redresser la violation constatée serait une réouverture de la procédure» en Turquie. Au nom du principe de sécurité, juridique, elle dispense cependant l’État turc «de remettre en cause des actes ou situations juridiques antérieurs au présent arrêt».
Le Figaro, 5 juillet 2022