Afin de consolider le vote conservateur, le président turc s’en prend aux minorités sexuelles ainsi qu’à l’opposition, accusée de vouloir “pervertir” le pays. Courrier International rapporte du 20 avril 2023.
Dans la campagne pour la prochaine élection présidentielle du 14 mai, le pouvoir islamo-nationaliste turc a désormais l’habitude d’accuser l’opposition d’être vendue aux puissances étrangères ou encore de faire prétendument le lit du “terrorisme” kurde.
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Mais, depuis quelques semaines, il s’est emparé d’un nouveau thème pour tenter d’indigner et de se concilier son électorat conservateur mécontent de la situation économique : “Si nous perdons le pouvoir, qui nous remplacera ? Les pro-LGBTQ, ceux qui veulent légaliser le mariage entre personnes de même sexe”, mettait ainsi en garde le 16 avril le très droitier ministre de l’Intérieur, Süleyman Soylu, à l’occasion d’une rupture du jeûne de ramadan, rapporte le quotidien de gauche Birgün.
Le président Recep Tayyip Erdogan avait pourtant renoncé à son projet initial d’organiser, le jour de l’élection, un référendum portant sur la sanctuarisation du port du voile et la “protection de la famille turque”, prétendument menacée, notamment par la “propagande LGBTQ”.
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Mais il s’en prend à la “table arc-en-ciel”, surnom donné à la “table des six”, en référence à la coalition des six partis d’opposition qui présentent contre lui un candidat commun, Kemal Kiliçdaroglu.
“Nous défendons la famille, c’est quelque chose de sacré pour nous, mais eux, ils sont pro-LGBT, les avez-vous jamais entendus dire du mal des LGBTQ ?” a ainsi lancé le président turc lors d’un meeting de campagne du 19 avril, rapporte le quotidien Sözcü.
Petits partis islamistes
Argument électoral pour séduire les conservateurs, une lutte renforcée “contre la perversion” LGBTQ est aussi demandée par le Hüda-Par et le Yeniden Refah Partisi, deux petits partis islamistes récemment intégrés à la coalition dirigée par le président Erdogan.
La coalition d’opposition comporte, elle aussi, un petit mais influent parti islamiste, le Saadet Partisi, héritier du mouvement Milli Görüs, dont est issu le chef de l’État lui-même.
Bien que farouchement opposé à la moindre reconnaissance des droits des homosexuels et favorable à la sortie de la convention d’Istanbul contre les violences faites aux femmes décidée par le président Erdogan en 2021, il reste pour le moment silencieux sur ces sujets.
“Comment acceptent-ils de rester silencieux face à cette opposition qui entend légaliser l’homosexualité ?” s’indigne ainsi le quotidien islamiste Yeni Akit.
Pourtant, l’opposition ne prévoit officiellement aucune mesure législative concernant les droits LGBTQ, et encore moins le mariage des personnes de même sexe. Néanmoins, conscientes qu’une victoire de l’opposition signifierait une baisse des discriminations à leur égard, de nombreuses associations de défense des LGBTQ militent en ce sens.
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L’association étudiante LGBTQ ÜniKuir a ainsi publié un texte en ce sens, rapporte KaosGL, le média en ligne de la communauté LGBTQ turque : “Les élections à venir sont d’une importance vitale pour les LGBTQI + alors que les discours de haine ne cessent de s’intensifier, que les défenseurs des droits sont persécutés et que la démocratie et le système judiciaire s’effondrent.”