« La Grèce a été l’un des premiers pays à venir en aide aux régions dévastées par les tremblements de terre du 6 février. Malgré la rivalité qui oppose les deux voisins, une tradition d’assistance mutuelle face aux catastrophes naturelles perdure. Elle laisse entrevoir la possibilité d’un apaisement des relations, alors que des échéances électorales approchent dans les deux pays. » Courrier International reports on February 14, 2023.
Le tremblement de terre qui a frappé la Turquie et la Syrie le 6 février rencontre un écho particulier en Grèce, pays qui a lui-même fait face à de nombreux séismes par le passé. Alors que les relations diplomatiques entre les deux voisins connaissent régulièrement de fortes secousses, la coopération semble être à l’ordre du jour. “La ‘diplomatie du séisme’ – activée pour la première fois après les tremblements de terre successifs qui ont frappé les deux pays à l’été 1999 [à quelques semaines d’intervalle] et ont conduit à une amélioration des relations gréco-turques – a été en quelque sorte réactivée après le séisme meurtrier de magnitude 7,8 sur l’échelle de Richter”, explique le quotidien grec I Kathimerini.
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Les sujets de discorde entre Athènes et Ankara sont nombreux : des délimitations territoriales aux hydrocarbures en mer Égée en passant par la question migratoire. Mais le Premier ministre grec, Kyriakos Mitsotakis, a appelé le président turc, Recep Tayyip Erdogan, pour lui exprimer ses condoléances et son soutien quelques heures après la catastrophe, proposant l’envoi d’aide et de secours dans les zones touchées. Comme le remarque News24/7, il s’agit de la première discussion entre les deux hommes depuis une rencontre à Istanbul le 13 mars 2022. “Une rencontre à l’issue de laquelle la partie grecque s’attendait, en vain, à ce que le ton baisse”, commente le pure player.
Le ministre des Affaires étrangères grec, Nikos Dendias, s’est par ailleurs rendu dans les régions dévastées le dimanche 12 février pour exprimer son soutien. Il était le premier responsable européen de premier plan à se déplacer en Turquie. La Grèce a ainsi envoyé dans le pays deux équipes de secouristes et 90 tonnes de matériel médical et d’aide aux premiers secours.
Face à une “page blanche”
Selon un bilan encore provisoire, plus de 35 000 personnes ont perdu la vie en Turquie et en Syrie.
Comme le remarque l’hebdomadaire Lifo, le président turc n’a pas été épargné par les critiques de citoyens qui s’estiment abandonnés. “Erdogan a préféré faire taire les appels à l’aide des victimes du tremblement de terre, au prix de la vie des citoyens du pays qu’il dirige”, lui reproche le journal progressiste grec. Or, l’élection présidentielle, prévue pour le 14 mai, approche en Turquie. “Nul doute que le gouvernement turc sera appelé à répondre à de nombreuses questions inconfortables : manque de fonds d’urgence, innombrables bâtiments mal construits et réglementations de construction problématiques.”
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“En pleine période électorale, la ‘clé’ pour Erdogan réside dans la gestion de la catastrophe et de la crise humanitaire”, estime ainsi Ethnos. Le journal de centre gauche recueille l’avis du professeur de relations internationales Kostas Yfantis qui estime que “ce qui était vrai auparavant au sujet des élections ne peut plus être valable maintenant”.
“La décision de l’électeur turc sera déterminée dans une très large mesure par la manière dont le gouvernement parvient à faire passer un message de normalité et d’espoir.”
“La Turquie est désormais une autre Turquie”, assure pour sa part To Vima. “La mégalomanie de la Patrie bleue a été enterrée dans les ruines des immeubles mal construits”, pense l’hebdomadaire grec, estimant que le pays se trouve désormais “face à une page blanche”.
Courrier International, February 14, 2023.