Après avoir prêté serment, Recep Tayyip Erdogan devra, dans la soirée, annoncer son nouveau gouvernement. Il a été réélu avec 52 % des voix. Le Point rapporte du 3 juin 2023.
Recep Tayyip Erdogan, reconduit dimanche à la tête de la Turquie, a prêté serment samedi à Ankara pour un nouveau mandat de cinq ans et annoncera la composition de son gouvernement dans la foulée. Le chef de l’État, réélu le 28 mai avec 52 % des voix, a prêté serment. « En qualité de président, je jure de protéger l’existence et l’indépendance de l’État, l’intégrité de la patrie, la souveraineté inconditionnelle de la nation, l’État de droit (et) le principe d’une république laïque » telle que conçue par Atatürk, le « père des Turcs », a déclaré le président connu pour la défense de positions islamo-conservatrices.
C’est un chef d’État conciliant comme jamais qui, depuis son gigantesque palais présidentiel sur une colline excentrée d’Ankara, a demandé à ses opposants de « trouver une façon de faire la paix ». « Mettons de côté les ressentiments et la colère de cette période électorale », a-t-il lancé devant un parterre de chefs d’État et de gouvernement étrangers, qu’il a nommément salués, un à un. « Nous attendons de l’opposition qu’elle agisse avec le sens des responsabilités pour le bien-être et la démocratie de la Turquie », a-t-il enchaîné avant de demander « aux partis » mais aussi « aux journalistes, aux écrivains, à la société civile, aux artistes (de se) réconcilier avec la volonté nationale ». Sans mentionner les dizaines de milliers de représentants de toutes ces catégories qui se trouvent derrière les barreaux.
Erdogan prêt à « assumer son devoir avec impartialité »
Les députés de l’opposition étaient d’ailleurs restés assis quand l’assemblée s’est levée après le serment et l’allocution du chef de l’État, promettant entre autres « d’assumer son devoir avec impartialité ». Sous une pluie diluvienne – présage en Turquie d’abondance – M. Erdogan s’est rendu du Parlement au mausolée d’Atatürk d’où il a brièvement salué « une nouvelle ère », s’engageant « à ramener les victimes du séisme chez elles dès que possible ». Au moins 50 000 personnes sont mortes dans la catastrophe du 6 février qui a laissé des millions de personnes sans domicile dans le sud du pays, dont 3 millions sont déplacées. Puis il a regagné le fastueux palais présidentiel qu’il a fait construire et où il donnera un dîner de gala à ses invités, dont Jens Stoltenberg, le secrétaire général de l’Otan, installé au premier rang.
La Turquie, qui maintient son veto à l’entrée de la Suède dans l’Alliance atlantique depuis treize mois, se fait courtiser pour accepter de le lever d’ici – ou lors – du sommet de l’Organisation à Vilnius en juillet. « Message limpide à nos amis suédois ! Respectez vos engagements […] et prenez des mesures concrètes dans la lutte contre le terrorisme. Le reste suivra », a tweeté jeudi soir l’actuel ministre des Affaires étrangères, Mevlüt Cavusoglu. Malgré une Constitution amendée et une nouvelle loi contre le terrorisme, Ankara reproche toujours à la Suède d’abriter des réfugiés kurdes qu’elle qualifie de « terroristes ».
Stockholm a d’ailleurs autorisé une manifestation dimanche sur le thème « Non à l’Otan, pas de lois Erdogan en Suède », organisée notamment par des associations de soutien aux groupes armés kurdes en Syrie. Autre dossier brûlant, la liste des ministres qui sera annoncée dans la soirée, après les festivités, doit donner une idée des orientations retenues par le chef de l’État pour redresser l’économie en crise.
Pour cette tâche ardue, le nom d’un expert reconnu, Mehmet Simsek, circule avec insistance depuis plusieurs jours. Ancien ministre des Finances (2009-2015) puis vice-Premier ministre chargé de l’Économie (jusqu’en 2018), Simsek, 56 ans, ancien économiste à la banque américaine Merrill Lynch, serait chargé de rétablir un peu d’orthodoxie afin de ramener la confiance des investisseurs.
Arménie et Azerbaïdjan
Outre une inflation à plus de 40 %, encouragée par la baisse régulière des taux d’intérêt, la monnaie nationale était en chute libre à plus de 20,88 livres turques pour un dollar vendredi (22,5 pour un euro) malgré des milliards de dollars engloutis durant la campagne pour en retarder le naufrage.
Selon les médias turcs, plus d’une vingtaine de chefs d’État et de gouvernement et quarante-cinq ministres étrangers assisteront aux cérémonies qui s’achèveront par un dîner au gigantesque palais présidentiel bâti par le chef de l’État sur une colline à l’écart du centre de la capitale. Parmi la foule des alliés traditionnels, le Premier ministre arménien Nikol Pachinian prendra place au côté du président d’Azerbaïdjan Ilham Aliev et les Premiers ministres de Hongrie, Viktor Orban – qui renâcle également à ouvrir les portes de l’Otan à la Suède – et du Qatar, Mohammed ben Abderrahmane al-Thani, qui furent parmi les premiers à le féliciter pour sa réélection après vingt ans de pouvoir.
L’Arménie et la Turquie n’ont jamais officiellement établi de relations diplomatiques et leur frontière commune est fermée depuis les années 1990, mais un rapprochement a été amorcé depuis le début 2022, en dépit du soutien affiché d’Ankara à Bakou sur la question du Nargorny-Karabakh qui oppose Erevan à l’Azerbaïdjan.
Erdogan, contraint pour la première fois à un deuxième tour, a obtenu 52,18 % des votes contre 47,82 % à son opposant, le social-démocrate Kemal Kiliçdaroglu, selon les résultats officiels publiés jeudi, au terme d’une campagne amère qui laisse le pays polarisé entre les deux camps. Le Parlement, élu le 14 mai en même temps que se tenait le premier tour de la présidentielle, a pris pour sa part ses quartiers vendredi à Ankara : le parti AKP du président et ses alliés y détiennent la majorité des 600 sièges.
Après sa prestation de serment au Parlement, le chef de l’État devait se recueillir au mausolée du fondateur de la République, Mustafa Kemal Atatürk, avant les cérémonies protocolaires et le grand dîner le soir.