Le président turc exige de nouvelles conditions à l’adhésion de la Suède, dont l’interdiction des manifestations pro-PKK sur le sol suédois. Par ailleurs, une enquête pour tentative de corruption ouverte par la justice suédoise et éclaboussant le fils du président turc risque de compliquer encore un peu plus les relations entre Stockholm et Ankara. Par Courrier International du 29 juin 2023.
Pour les membres de l’Otan, l’espoir d’obtenir une levée du veto d’Ankara à l’adhésion de la Suède avant le sommet de Vilnius des 11 et 12 juillet s’amenuise. Dans un échange téléphonique le 25 juin qu’il a eu avec le secrétaire général Jens Stoltenberg, le président turc Recep Tayyip Erdogan a fait part de ses nouvelles conditions à l’entrée de Stockholm dans l’alliance, rapporte le quotidien islamo-conservateur Yeni Safak.
Après avoir obtenu un changement de la Constitution suédoise et de sa loi antiterroriste pour permettre l’extradition de membres avérés ou présumés de la guérilla kurde du PKK réfugiés en Suède, le président turc exige désormais de Stockholm que cette loi soit mise en œuvre et que soient interdites les manifestations “pro-PKK” en Suède, rapporte le journal.
Les révélations de Reuters risquent de compliquer encore davantage le processus. L’agence de presse britannique a révélé, lundi 26 juin, l’existence d’une enquête judiciaire menée par les autorités anticorruption en Suède et aux États-Unis visant Bilal Erdogan, le fils du président turc. Afin de se voir octroyer le monopole d’un marché d’alcootests en Turquie, des cadres de l’entreprise suédoise Dignita Systems Ab auraient eu l’intention de verser plusieurs dizaines de millions d’euros à deux associations dont le fils d’Erdogan est membre du conseil d’administration. Un plan finalement annulé par la direction de l’entreprise qui aurait procédé à sept licenciements.
Des médias censurés
Le directeur de la communication de la présidence turque, Fahrettin Altun, a immédiatement répliqué sur Twitter, dénonçant une “opération” destinée à épingler Erdogan après sa victoire à la présidentielle du 28 mai et à servir de monnaie d’échange.
Suite à une décision de justice, 93 sites turcs ayant diffusé l’information ont été contraints de supprimer leur page, rapporte le média en ligne Arti Gerçek. Et deux grands groupes de presse, proches du pouvoir, ont résilié leur contrat avec Reuters en signe de protestation, indique le média en ligne Diken.
Les pressions des partenaires de la Turquie au sein de l’Otan, notamment des Américains qui conditionnent la vente de F-16 à Ankara au retrait de son veto, ne suffisent pas à faire plier Ankara. Membre turbulent de l’Alliance atlantique, la Turquie freine aussi actuellement la mise en place des nouveaux plans stratégiques de l’Otan, une première depuis la fin de la Guerre froide, qui sont destinés à imaginer la défense et la riposte à une attaque russe contre un pays membre de l’alliance, rapporte Al Monitor.
La Turquie exige en effet que les détroits stratégiques des Dardanelles et du Bosphore soient baptisés “détroits turcs” dans une volonté de renforcer ses prérogatives légales sur ces passages actuellement gérés selon les termes de la convention de Montreux de 1936. Ankara serait également mécontente des tentatives de coopération accrue entre l’Otan et la République de Chypre, l’île dont les troupes turques occupent la partie nord depuis 1974 rapporte le média en ligne.