« Les bombardements menés en Irak et en Syrie, en réaction à un attentat à Istanbul, semblent s’inscrire dans la stratégie électorale de Recep Tayyip Erdogan, analyse la presse d’opposition. Ce mardi, le président a même annoncé une opération terrestre “dès que possible” » rapporte Courrier International du 22 novembre 2022.
L’armée turque a bombardé à de multiples reprises les régions kurdes du nord de la Syrie et de l’Irak entre le 20 et le 22 novembre. “89 nids de terroristes ont été détruits”, applaudissait lundi le quotidien islamo-nationaliste Yeni Safak,en référence aux cibles de ces frappes, à savoir la guérilla du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK).
LIRE AUSSI Géopolitique. Frappes turques en Syrie : la stratégie opaque d’Ankara
Ankara l’accuse, ainsi que les forces arabo-kurdes des Forces démocratiques syriennes, proches du PKK, d’être responsables de l’attentat qui a récemment endeuillé Istanbul. Le 13 novembre, une bombe déclenchée dans une artère du quartier stambouliote de Taksim a fait 6 morts et 81 blessés parmi les passants.
Ce mardi, indique l’AFP, un drone turc aurait bombardé en Syrie une base conjointe des forces kurdes et de la coalition internationale antijihadiste menée par les États-Unis, selon les forces kurdes et une ONG. Deux combattants kurdes auraient été tués.
Une offensive terrestre bientôt ?
Yeni Safak note par ailleurs que des frappes aériennes turques ont, pour la première fois, été menées contre la ville de Kobané, symbole de la résistance kurde au groupe djihadiste État islamique (EI).
Quelques heures après ces frappes, le président Recep Tayyip Erdogan a menacé de conduire également une offensive terrestre contre les Kurdes de Syrie.
“Il n’est pas question que cette opération soit uniquement limitée à une opération aérienne.”
Mardi 22 novembre, le président turc a enfoncé le clou : “Si Dieu veut, nous les éradiquerons tous dès que possible, avec nos chars et nos soldats”, rapporte Al Jazeera.
La chaîne qatarie rappelle qu’Erdogan a lancé des menaces similaires ces derniers mois ; toutefois, “les bombardements des derniers jours accroissent la possibilité” d’une telle opération. La Russie a d’ailleurs appelé toutes les parties à la retenue.
Des doutes sur la version officielle de l’attentat
Le média turc en ligne Gazete Duvar interprète cette surenchère à l’aune de la présidentielle qui doit se tenir en juin 2023. “Il n’y a plus de doute : le pouvoir va multiplier ce genre d’opérations à mesure que les élections approchent.”
Un avis partagé par plusieurs médias d’opposition. À leurs yeux, l’objectif du président Erdogan est multiple : rallier les électeurs nationalistes, détourner l’attention de la crise économique sans précédent et diviser l’opposition, dont les Kurdes sont un électorat clé.
LIRE AUSSI Offensive. La Turquie menace d’intervenir à nouveau contre les Kurdes en Syrie
Dans ce contexte, une partie de l’opposition commence à remettre en cause la version officielle de l’attentat – non revendiqué – d’Istanbul. Faut-il vraiment y voir la main des Kurdes ? D’après les aveux de la principale suspecte obtenus par la police, elle aurait été envoyée de la Syrie par le PKK pour faire exploser la bombe. Mais le fait qu’elle ne soit pas kurde, le profil de ses complices, la cible de l’attentat et son timing déconcertent une partie des observateurs.
D’autres éléments viennent alimenter les doutes. Ainsi, le quotidien Birgüns’étonne du fait que le propre frère de la suspecte soit un haut gradé au sein des forces rebelles proturques en Syrie. Mais aussi que, par le passé, elle ait été emprisonnée pendant un mois par les forces kurdes dans la ville de Manbij pour “espionnage au profit de la Turquie”.
Courrier International, 22 novembre 2022