« Le président turc Recep Tayyip Erdogan n’a pas caché, vendredi 13 mai, son hostilité à l’adhésion à l’Otan de la Finlande et de la Suède, qu’il accuse d’héberger les “terroristes du PKK”, le parti des travailleurs kurdes, bête noire d’Ankara » rapporte Courrier International du 14 mai 2022.
“Nous suivons attentivement les derniers développements concernant la Suède et la Finlande, mais nous n’avons pas un avis positif”, a averti le président turc, alors qu’Helsinki a officialisé cette semaine son souhait d’adhérer à l’Otan et que Stockholm s’apprête à lui emboîter le pas. La Turquie est membre de l’Otan depuis 1952.
“Malheureusement, les pays scandinaves sont quasiment des maisons d’hôtes pour les organisations terroristes”, a accusé M. Erdogan, cité par Hürriyet. “J’irai même plus loin : là-bas, ils siègent au Parlement. Il est impossible pour nous de voir cela d’un œil positif”. Le président turc vise tout particulièrement le PKK, considéré comme une organisation terroriste par Ankara, l’Union européenne (UE) et les États-Unis.
“Traditionnellement, les pays scandinaves ont servi de refuge à de nombreux militants et hommes politiques turcs – prokurdes, gauchistes ou islamistes – qui fuyaient la répression dans leur pays, qu’ils aient choisi la voix pacifique ou qu’ils soient plus ou moins proches de ces groupes armés considérés comme terroristes par l’UE, et qui continuent à commettre des attentats sur le sol turc”, explique El País.
Alors que la voie vers l’adhésion semblait “dégagée” pour la Finlande et la Suède, “l’opposition d’Erdogan pourrait s’avérer problématique”, l’entrée d’un nouveau membre devant être décidée “à l’unanimité”, rappelle Radio Free Europe-Radio Liberty (RFE-RL).
Contreparties
Le président américain Joe Biden s’est entretenu vendredi avec les dirigeants finlandais et suédois et a rappelé “son soutien à la politique de porte ouverte de l’Otan et au droit de la Finlande et de la Suède de décider de leur avenir, de leur politique étrangère et de leurs choix en matière de sécurité”, selon la Maison-Blanche.
Les États-Unis ont également assuré qu’ils “s’employaient à clarifier la position de la Turquie”, précise RFE-RL.
Selon certains observateurs, la position apparemment intransigeante de la Turquie aurait pour but d’obtenir des contreparties de la part des membres de l’Otan, notamment des États-Unis, en échange de son feu vert.
“La Turquie a souffert de relations tendues avec les pays de l’Otan ces dernières années”, observe le Financial Times. “Les États-Unis lui avaient imposé des sanctions en 2020, en représailles de la décision d’Erdogan d’acheter et de se faire livrer le système russe antimissile S-400”.
La Turquie avait alors été exclue par Washington du programme d’avions de combat furtifs américains F-35, pour lesquels elle avait passé commande et versé un acompte de 1,4 milliard de dollars. Un retour d’Ankara dans le carnet de commandes américain pourrait adoucir M. Erdogan sur le dossier scandinave, jugent les observateurs.
Première riposte russe ?
La décision de la Finlande de frapper à la porte de l’Otan a également provoqué la fureur de la Russie, qui avait promis dès jeudi une riposte “militaro-technique”. Hasard – ou pas – du calendrier, la filiale scandinave de l’électricien russe InterRAO a annoncé vendredi qu’elle cesserait de fournir de l’électricité à la Finlande dès samedi.
“La décision de Rao Nordic n’a pas été explicitement liée à la décision de la Finlande” d’adhérer à l’Otan, souligne la BBC. La raison officielle serait un défaut de paiement finlandais – que ni Helsinki ni Moscou n’ont souhaité expliquer en détail.
RAO Nordic a affirmé qu’il s’agissait d’une “situation exceptionnelle, qui arrive pour la première fois depuis plus de vingt ans”, et que la fourniture d’électricité reprendrait dès la régularisation des paiements.
Le réseau électrique finlandais, Fingrid, a minimisé l’impact de la mesure, l’électricité importée de Russie ne représentant que 10 % de la consommation du pays, selon The Hill. Le retrait russe “sera compensée par des importations supplémentaires en provenance de Suède, et par une production accrue en Finlande”, a précisé un responsable de Fingrid.
Courrier International, 14 mai 2022, Photo/Pascal Rossignol/Reuters