« Une circulaire présidentielle concernant les médias inquiète l’opposition en Turquie. Dans le pays, le paysage médiatique est déjà largement acquis au président, Recep Tayyip Erdogan, et la censure ne cesse de se durcir » dit Courrier International.
“Protéger la société des effets destructeurs de certains programmes télévisés, en particulier étrangers. Préserver l’esprit de la jeunesse contre certains messages et symboles qui la visent en particulier, encourager la diffusion de programmes familiaux et adaptés aux enfants”, tel est le texte de la circulaire présidentielle en Turquie, parue le 29 janvier et citée par le quotidien Milliyet.
Si le président du RTÜK, l’organisme chargé de contrôler l’audiovisuel, a salué cette circulaire et promis de renforcer son contrôle pour “protéger nos valeurs culturelles, nos familles et nos enfants”, certaines voix, dans l’opposition comme au sein même de l’institution, dénoncent une volonté de censure.
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lhan Tasci, membre du conseil du RTÜK, critique ainsi le caractère volontairement flou des “valeurs nationales et spirituelles” censées être protégées et qui seront, selon lui, interprétées dans le sens qui sied au pouvoir politique, rapporte le média en ligne de la gauche turque SoL Haber.
Le président Erdogan se plaint régulièrement de l’état des médias et de la culture dans le pays, rappelle le site, qui cite une récrimination habituelle du dirigeant turc :
« Notre secteur médiatique est très bien développé technologiquement, mais il ne relaie pas assez notre souffle, ni notre voix. »
“C’est parce que les médias traditionnels sont devenus, dans leur quasi-totalité, des instruments de propagande et que plus personne ne veut les regarder”, estime Ilhan Tasci. Les chaînes YouTube et autres médias en ligne indépendants ou d’opposition ont vu ainsi leur audience monter en flèche ces dernières années.
Films et plateformes dans le viseur
Pour la presse progouvernementale, pas d’inquiétude à avoir : “Ceux qui parlent de censure sont ceux qui sont contre nos valeurs nationales et spirituelles”, résume un éditorialiste du journal Star. “Il faut applaudir cette circulaire qui va renforcer la lutte contre les mensonges et la désinformation, non seulement à la télévision mais dans tous les médias”, poursuit le journaliste.
En Turquie, le contrôle des autorités ne se limite pas aux médias d’information ou aux programmes politiques mais concerne aussi le secteur de la culture. Par le passé, le RTÜK a ainsi notamment censuré deux séries Netflix turques (l’une annulée, l’autre amputée d’un personnage) qui abordaient le thème de l’homosexualité, ou encore le film Mignonnes, de la réalisatrice franco-sénégalaise Maïmouna Doucouré, taxé d’islamophobie et d’apologie de la pédophilie.
Courrier International, 3 février 2022, Photo/Serhat Cagdas/Getty