Journal du dimanche, 20 juillet 2021, Arnaud Focraud
L’homme fort de Turquie, Recep Tayyip Erdogan, se rend mardi dans la partie turque de Chypre. Mais d’où vient la partition de l’île? Chaque jour, l’antisèche du JDD répond à une question pas si bête que ça, pour mieux comprendre l’actualité.
Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, se rend mardi dans la partie nord de Chypre occupée depuis près d’un demi-siècle par sa propre armée. Une façon pour lui de montrer qu’il est en position de force en Méditerranée orientale et de pousser pour une solution à deux Etats que refuse catégoriquement le pouvoir chypriote ainsi que l’Union européenne.
Officiellement, la république de Chypre, l’un des 27 membres de l’UE, est un Etat couvrant l’intégralité de cette petite île d’environ 9.000 kilomètres carrés – une superficie légèrement inférieure à celle du Kosovo ou du Liban. Dans les faits, toutefois, elle n’exerce sa souveraineté que dans la partie sud représentant 60% du territoire, le nord étant contrôlé par la République turque de Chypre du Nord (RTCN), autoproclamée en 1983 et reconnue uniquement à l’international par le régime d’Ankara.
L’île est peuplée historiquement, et de façon hétérogène sur son territoire, par des Chypriotes grecs et, depuis le XVIe siècle sous l’effet de la domination ottomane, par une communauté turque. Annexée par le Royaume-Uni lors de la Première guerre mondiale, Chypre accède à l’indépendance en 1960 mais les violences intercommunautaires ne cessent par la suite de s’intensifier sur fond de rivalité entre la Grèce – une partie des Chypriotes réclamant l’union de leur île au pays – et la Turquie.
Le 15 juillet 1974, un coup d’Etat fomenté par le régime militaire à Athènes destitue le président et archevêque Makarios III, partisan de l’indépendance chypriote. Le 20 juillet, la Turquie intervient militairement et occupe la partie septentrionale, mettant en échec l’ingérence grecque et accélérant la chute de la dictature des colonels. Les Chypriotes grecs vivant au nord sont expropriés et une partie de la population de l’île doit ainsi se déplacer, y compris les Chypriotes turcs vivant au sud. Depuis, une ligne de démarcation, contrôlée par l’ONU, sépare l’île en deux, y compris la capitale Nicosie.
Pour le 47e anniversaire de l’opération militaire, Erdogan se rend mardi dans la ville fantôme de Varosha, fuie par ses habitants Chypriotes grecs et rouverte seulement l’automne dernier par les autorités pro-turques. En avril, l’ONU a réuni, en vain, Chypriotes grecs et Chypriotes turcs en vue d’entamer un nouveau cycle de pourparlers.