RFI, 13 Juin 2021, Anne Andlauer, image: IHA
Le chef de l’État turc Recep Tayyip Erdogan participe ce lundi 14 juin au sommet des dirigeants de l’Otan à Bruxelles, où il doit notamment s’entretenir en privé avec son homologue américain Joe Biden et le président français Emmanuel Macron. La Turquie, qui fêtera l’an prochain les 70 ans de son appartenance à l’Alliance atlantique, est sous le feu des critiques, des membres l’accusant de manquer de loyauté, voire de nuire à l’Otan. Ankara, pour sa part, revendique à la fois son ancrage dans l’alliance occidentale et une politique étrangère indépendante.
Depuis environ cinq ans, certains choix de la Turquie provoquent le doute, voire le malaise, au sein de l’Otan. Quand elle achète à la Russie un système de défense tout en le sachant incompatible avec ceux de l’Alliance atlantique, quand elle lance des offensives dans le nord de la Syrie, quand ses bateaux confrontent des navires grecs en Méditerranée orientale, ou français au large des côtes libyennes, des États membres comme la France ou les États-Unis l’accusent de ne pas se comporter en allié.
Les autorités d’Ankara soutiennent au contraire que leur pays demeure un pilier de l’Otan sur son flanc sud et que loin de nuire à l’Alliance au profit de la Russie, la Turquie serait en fait la seule à contenir les ambitions russes en Syrie, en Libye ou ailleurs.
Le problème, c’est que la Turquie se sent à la fois menacée et enhardie par l’affaiblissement ou l’instabilité chronique de ses voisins du Moyen-Orient – Iran, Irak, Syrie… –, au moment où les États-Unis se désengagent de la région. Elle veut donc jouer sur tous les tableaux pour préserver et maximiser ses intérêts. Mais cette prétention à l’indépendance, qui soutient par ailleurs tout un discours électoral en interne, s’accommode mal des logiques d’Alliance. Et cela ne semble pas près de changer.
La Turquie va-t-elle se réconcilier avec ses partenaires de l’Otan ?
Deux rendez-vous en marge du sommet de l’Alliance atlantique vont donner un baromètre des relations. Avant l’ouverture du sommet, le président turc rencontrera le président français, signe de la volonté d’apaisement des relations entre les chefs d’État après les tensions de l’an passé (on se souvient que Recep Tayyip Erdogan s’interrogeait en octobre sur la «santé mentale»d’Emmanuel Macron).
Et en marge du sommet aura aussi lieu le tout premier échange en direct entre Joe Biden depuis qu’il est président et Recep Tayyip Erdogan. La relation entre les deux dirigeants est compliquée et les dossiers sensibles nombreux. L’acquisition de missiles anti-missiles russes, les Occidentaux sont nombreux à le reprocher à Ankara et singulièrement Joe Biden qui inaugure une ligne diplomatique plus ferme vis-à-vis de Moscou. Ankara est aussi mise en cause pour ses interventions militaires en Syrie, en Libye, dans le Caucase. Sur ces deux derniers théâtres, la Turquie nie la présence de soldats et n’évoque que des conseillers.
Et puis Joe Biden s’est toujours montré très sévère vis-à-vis de la Turquie d’Erdogan. Il y a un an et demi, le candidat à la Maison Blanche qualifiait le président turc d’autocrate, préconisait aussi de soutenir l’opposition. De son côté, la Turquie reproche aux États-Unis d’abriter Fethullah Gülen, le responsable, juge-t-elle, du coup d’État manqué en 2016. Mais ce qu’elle demande surtout à Washington, c’est un engagement plus fort contre le PKK. Ankara ne fait pas de différence entre cette organisation classée terroriste par les Occidentaux et les membres des YPG en Syrie.
Un dossier pourrait connaître une avancée concrète : l’Afghanistan. Après le départ des troupes américaines, l’armée turque pourrait rester. C’est Ankara qui protégerait l’aéroport de Kaboul, la principale voie de sortie pour les diplomates et les humanitaires.