RFI, 30 Mai 2021, image : Birgün
L’ex-chef mafieux turc Sedat Peker, en fuite à l’étranger et visé par un mandat d’arrêt, a publié dimanche sur sa chaîne YouTube une nouvelle vidéo compromettante. Il affirme avoir participé au transfert d’armes vers la Syrie pour le compte d’une société militaire privée turque et avoir appris par la suite qu’elles avaient été livrées au Front al-Nosra. Depuis un mois, ce parrain de la mafia multiplie les vidéos accusant de hauts responsables de divers crimes.
En novembre 2015, Sedat Peker s’était vanté sur les réseaux sociaux d’avoir envoyé en Syrie des camions entiers « d’aide » aux combattants turkmènes de Syrie. Dans cette nouvelle vidéo, le chef mafieux revient sur cet épisode avec de graves allégations.
Il affirme qu’en plus de ces camions transportant ce qu’il décrit comme des gilets pare-balles et autres équipements, il a aussi organisé le passage à la frontière turco-syrienne de camions remplis d’armes.
Des armes livrées au Front al-Nosra
Il explique avoir agi comme intermédiaire pour le compte d’une société de sécurité privée, SADAT, fondée par un ancien général qui fut jusqu’en janvier 2020 conseiller militaire du président Erdogan. Selon Sedat Peker, SADAT organisait ces transferts et non les services secrets ou l’armée. Il assure avoir découvert que ces armes n’avaient pas été livrées à des combattants turkmènes, mais au front al-Nosra, soit al-Qaïda en Syrie, un groupe que la Turquie considérait déjà comme terroriste à l’époque.
« C’est la confirmation de ce que disait notre article, qui a été interdit en Turquie. J’ai publié cet article il y a six ans. Le gouvernement a dit qu’il s’agissait d’un secret d’État, que cela ne devait pas être révélé au grand public. Depuis, j’ai été condamné à 27 ans de prison, j’ai été attaqué par le gouvernement, je vis en exil depuis cinq ans, et aujourd’hui on apprend que tout ce que je disais était vrai, raconte le journaliste Can Dundar, ancien rédacteur en chef du journal Cumhuriyet. Le gars qui a transporté ces armes avec ses camions a confirmé que l’État turc était derrière ces livraisons d’armes au groupe al-Nosra. Le système judiciaire doit reprendre toutes les affaires à zéro. Bien sûr ces révélations auront un grand impact sur les poursuites contre nous et sur nos vies. Et je crois que c’est aussi une victoire pour le journalisme d’investigation ».
En mai 2015, le quotidien d’opposition Cumhuriyet avait publié les photos de camions des services secrets turcs remplis d’armes pour la Syrie, qui avaient été interceptés en novembre 2013. Les autorités avaient affirmé que ces camions acheminaient de « l’aide » aux combattants turkmènes.