Euronews, 17 Mai 2021, Stefan Grobe, image: AFP
Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, devrait faire l’objet d’un débat très critique à son encontre. Le Parlement européen évoquera mardi la situation des droits de l’homme en Turquie. Les députés devraient adopter une position beaucoup plus dure que celle de la Commission européenne ou du Conseil, qui représente les Etats membres.
Ces deux dernières insitutions soulignent en effet leur souhait de réengager le dialogue à condition d’observer des progrès en matière de droits fondamentaux. Mais cette clause ne pourrait rester qu’un vieux pieu. Dans son rapport 2020, le ministère américain des Affaires étrangères et l’ONG Human Rights Watch décrivent une érosion dramatique de l’Etat de droit et du cadre démocratique en Turquie.
Selon l’ancien ambassadeur de l’UE à Ankara, Marc Pierini, la séparation des pouvoirs n’existe plus dans le pays. « _Ce qui compte c’est l’opinion du président, les procureurs non seulement appliquent ce que le président a dit avec quelques jours d’intervalle, mais ils deviennent même ses promoteurs. N’importe qui peut être envoyé en prison pour n’importe quoi _ », précise l’ancien diplomate aujourd’hui chercheur au Carnegie Europe.
Selon Human Rights Watch, la prise en main du pouvoir judiciaire par l’exécutif pousse les tribunaux à accepter des actes d’accusation biaisés ou encore la détention et la condamnation de personne sans preuve irréfutable. Les journalistes, les opposants politiques et les militants des droits de l’homme sont ainsi visés par le gouvernement. « Il y a eu des rapports de torture et d’abus en prison. C’est une préoccupation sérieuse en Turquie« , explique Paul Levin, professeur à l’université de Stockholm.
L’influence européenne
Malgré ces attaques contre les droits fondamentaux, les présidents de la Commission européenne et du Conseil européen ont rencontré récemment le dirigeant turc, au risque de fermer les yeux sur ces dérives dénoncent les voix les plus critiques. Mais les deux responsables assurent avoir relayé ces inquiétudes et affirment que les droits de l’homme ne sont pas négociables.
Cette assertion fait sourire Paul Levin. « D’une certaine façon c’est presque une blague de voir les dirigeants européens répéter qu’ils sont profondément inquiets par l’évolution de la situation en Turquie, cela n’a pas le même poids qu’autrefois « , juge-t-il.
Les 27 disposent toutefois d’une certaine influence sur Ankara puisque l’UE est le principal partenaire commercial de la Turquie. Pour le président turc il est donc dans son intérêt, électoral, d’éviter toute sanction économique européenne. Car c’est là le point faible de la Turquie estime Marc Pierini. « L’économie s’effondre. Ce fut un succès de Recep Tayyip Erdogan auprès de son électorat puisqu’il a créé une sorte de classe moyenne inférieure avec une amélioration de leurs conditions de vie. Mais ce n’est plus le cas aujourd’hui« , ajoute le chercheur.
Les analystes s’interrogent sur la possibilité de voir l’UE faire un geste financier en échange de réformes démocratiques. Des éléments de réponse devraient être donnés dans un avenir proche. Les prochaines élections législatives et présidentielles en Turquie auront lieu en 2023.