Ouest France, le 10 février 2025
Trois journalistes turcs travaillant pour le quotidien « BirGün » ont été interpellés samedi 8 février après un article sur le procureur d’Istanbul a annoncé le journal ce dimanche. La liberté de la presse est régulièrement bafouée en Turquie et les opposants arrêtés sous prétexte de « la lutte contre le terrorisme ».
Trois journalistes travaillant pour l’édition en ligne du quotidien turc de gauche BirGün ont été interpellés samedi soir pour être interrogés en vertu de la législation antiterroriste, à la suite d’un article consacré au procureur général d’Istanbul, a annoncé dimanche 9 février 2025 le journal, rapporte l’AFP.
Les journalistes Ugur Koç et Berkant Gültekin, qui travaillent pour BirGun.net, ainsi que le directeur de la rédaction Yasar Gökdemir, sont soupçonnés de s’en être pris à des personnes « engagées dans la lutte contre le terrorisme », a précisé sur X le rédacteur en chef de BirGün, Ibrahim Varli. Plusieurs dizaines de personnes se sont réunies dimanche matin devant le palais de justice d’Istanbul pour apporter leur soutien au journal et défendre la liberté de la presse.
« Ils tentent d’intimider la presse et la société »
Selon lui, les enquêteurs reprochent aux trois interpellés d’avoir relaté la rencontre entre un journaliste du quotidien pro-gouvernemental Sabah et le procureur général d’Istanbul, Akin Gürlek – rencontre qui avait pourtant été évoquée dans les colonnes de Sabah. « Ils tentent d’intimider la presse et la société par des enquêtes et des arrestations », a déploré Ibrahim Varli.
Plusieurs enquêtes judiciaires ont été ouvertes ces derniers mois à propos d’articles ou de commentaires sur le procureur d’Istanbul. Ont ainsi été visés Ekrem Imamoglu, le maire de la mégapole et figure de l’opposition au président Erdogan, mais aussi l’an dernier le président du parti d’opposition CHP, Özgür Özel.
Les trois interpellations survenues samedi soir constituent une « honte sans précédent », a fustigé sur X Özgür Özel. Les trois journalistes doivent être « libérés immédiatement », a-t-il demandé.
Une actrice du « Bureau des Légendes » soupçonnée de « propagande terroriste »
Les autorités turques s’en prennent régulièrement à des journalistes, des avocats ou des élus, avec une augmentation du nombre de cas depuis quelques semaines. Trois journalistes travaillant pour la télévision de l’opposition turque Halk TV ont ainsi été arrêtés fin janvier. Il leur est reproché d’avoir diffusé un entretien, réalisé à son insu, avec un expert judiciaire désigné dans une enquête visant le maire Imamoglu.
L’actrice Melisa Sözen, qui a joué le rôle d’une combattante kurde dans la série française à succès Le Bureau des Légendes, a également été entendue cette semaine par la police, pour des soupçons de « propagande terroriste », selon l’agence DHA et la chaîne de télévision Halk TV. Cette enquête, déclenchée par le procureur d’Istanbul, se référait à l’uniforme qu’elle portait dans la série, et qui serait similaire à celui des combattants kurdes syriens des YPG, qu’Ankara considère comme affiliés au Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK).
En 2024, l’organisation Reporters sans Frontières (RSF) a placé la Turquie au 158e rang sur 180 de son classement sur la liberté de la presse, soulignant que « le pluralisme des médias est plus que jamais remis en cause. Tous les moyens sont bons pour affaiblir les plus critiques ».