Selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme, le régime de Bachar Al-Assad a perdu le contrôle de la totalité de la province de Deraa, et les factions rebelles ne se trouvaient plus, samedi, qu’à une vingtaine de kilomètres de Damas.
Après s’être emparés de villes proches en Syrie, les rebelles ont déclaré, samedi 7 décembre, qu’ils avaient « commencé à encercler » Damas. Abou Mohammed Al-Joulani, le leader de la faction islamiste radicale Hayat Tahrir Al-Cham (HTC) qui mène une coalition de rebelles visant à faire tomber le président Bachar Al-Assad, a dit aux combattants de se préparer à prendre la capitale. « Damas vous attend », a-t-il déclaré dans un communiqué diffusé sur Telegram.
Des manifestants hostiles au régime ont renversé une statue de Hafez Al-Assad, le père de l’actuel président syrien, dans la banlieue de Damas, à Jaramana, un secteur majoritairement druze et chrétien. Des vidéos postées sur Internet – vérifiées par l’Agence France-Presse (AFP) – montrent des jeunes hommes renversant la statue et scandant des slogans contre Al-Assad.
Le ministère de la défense a pour sa part affirmé que « les informations selon lesquelles nos forces armées, présentes dans toutes les zones de la campagne de Damas, se sont retirées, ne sont pas fondées ». La présidence syrienne a quant à elle nié les informations selon lesquelles Bachar Al-Assad aurait quitté Damas, affirmant qu’il exerce ses fonctions à partir de la capitale.
Par ailleurs, les autorités irakiennes ont autorisé l’entrée sur leur territoire de centaines de soldats de l’armée syrienne qui ont fui les combats avec les rebelles, ont affirmé à l’AFP deux responsables de sécurité sous couvert d’anonymat.
Lire aussi | Syrie : « On a sous-estimé l’état de délabrement du régime Al-Assad »
Avancée spectaculaire
Plus tôt samedi, Rami Abdel-Rahmane, directeur de l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), avait rapporté à l’AFP que des combattants rebelles contrôlaient désormais toute la province de Deraa, dans le sud du pays. « Nous sommes maintenant à moins de vingt kilomètres de l’entrée sud de la capitale Damas », avait quant à lui affirmé à la mi-journée Hassan Abdel Ghani, un commandant rebelle.
Dans la foulée, l’armée syrienne avait annoncé qu’elle se redéployait dans les provinces de Deraa et Souweïda. « Nos forces opérant à Deraa et Souweïda se redéploient, se repositionnent et établissent un périmètre de sécurité après que des éléments terroristes ont attaqué des points de contrôle isolés », selon un communiqué publié par un média d’Etat.
Après avoir pris Alep, la grande ville du nord, et Hama, dans le centre, en moins d’une semaine, les rebelles ont progressé vers Homs, à 150 kilomètres au nord de la capitale – l’avancée la plus spectaculaire en treize ans de guerre civile.
La province de Deraa avait été le berceau du soulèvement de 2011 contre le régime de Bachar Al-Assad, mais elle est repassée sous le contrôle du gouvernement en 2018 en vertu d’un accord de cessez-le-feu négocié par la Russie, alliée du régime syrien. Les anciens rebelles qui ont accepté l’accord de 2018 ont pu conserver leurs armes légères.
Cette province a été en proie à des troubles ces dernières années, avec de fréquentes attaques, des affrontements armés et des assassinats, dont certains ont été revendiqués par l’organisation Etat islamique. Quant à la province de Souweïda, elle est le fief de la minorité druze de Syrie et le théâtre de manifestations antigouvernementales depuis plus d’un an.
Les Jordaniens appelés à quitter le pays
Dans un communiqué, le ministère des affaires étrangères de la Jordanie, pays voisin de la Syrie, a appelé ses concitoyens « à quitter le territoire syrien », au lendemain de la fermeture par Amman du seul point de passage opérationnel entre les deux pays.
De son côté, le premier ministre du Qatar a mis en cause le président syrien dans la survenue de la nouvelle crise qui secoue le pays. « M. Al-Assad n’a pas saisi l’occasion de dialoguer et de rétablir [la confiance] avec son peuple, et nous n’avons vu aucune initiative sérieuse sur le retour des réfugiés ou la réconciliation » nationale, a estimé Mohammed Ben Abderrahmane Al Thani devant le Forum de Doha, une conférence pour le dialogue politique international.
Toujours au Qatar, l’Iran, soutien indéfectible de Bachar Al-Assad, a estimé, samedi, après des pourparlers avec la Russie et la Turquie, qu’un « dialogue politique » était nécessaire entre gouvernement syrien et opposition.
Le ministre des affaires étrangères russe, Sergueï Lavrov, a, lui, déclaré que le territoire syrien ne pouvait tomber sous le contrôle de « terroristes », évoquant une « violation des accords existants, à commencer par la résolution 2254 du Conseil de sécurité de l’ONU », une résolution datant de 2015 pour un règlement politique en Syrie.
Lire aussi | Syrie : Moscou dans l’incapacité de prêter main-forte au régime d’Al-Assad
Le Monde avec AFP