Le prédicateur musulman Fethullah Gülen est mort, à l’âge de 83 ans, ont annoncé lundi 21 octobre la télévision publique turque TRT et plusieurs autres médias, citant le site Herkul, proche de son mouvement. Selon une publication de ce dernier sur les réseaux sociaux, l’imam, accusé par Ankara d’avoir ourdi une tentative de coup d’Etat en Turquie en juillet 2016 – ce qu’il a toujours nié –, est mort dimanche soir « à l’hôpital où il était soigné depuis un moment ».
Les autorités turques ont confirmé l’information en fin de matinée. « Le chef de cette sombre organisation est mort », a déclaré le ministre des affaires étrangères turc, Hakan Fidan, lors d’une conférence de presse à Ankara, en disant s’appuyer sur des informations des services de renseignement turcs. Le site Herkul, interdit en Turquie, a écrit que « Fethullah Gülen, qui a passé chaque instant de sa vie à servir la religion bénie de l’islam et l’humanité, a marché aujourd’hui vers les horizons de son âme ».
Il était à la tête du mouvement Gülen, aussi appelé le Hizmet (« service », en turc), un groupe aussi puissant qu’opaque, qualifié de « terroriste » par le pouvoir. Le prédicateur affirmait qu’il ne s’agissait que d’un simple réseau d’organisations caritatives et d’entreprises.Autrefois allié d’Erdogan
Fethullah Gülen était installé en Pennsylvanie, aux Etats Unis, depuis 1999 et n’apparaissait que très rarement en public. La Turquie, qui le considère comme un « traître », l’avait déchu de sa nationalité en 2017. Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, avait fait de Fethullah Gülen son ennemi juré après la tentative de coup d’Etat du 15 juillet 2016, et avait fait procéder depuis à des centaines d’arrestations dans les rangs du mouvement güléniste. « La lutte contre cette organisation, qui continue de constituer un problème fondamental de sécurité nationale (…) se poursuivra », a promis lundi le ministre de la justice turc, Yilmaz Tunç.
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Recep Tayyip Erdogan et Fethullah Gülen furent longtemps alliés : le chef de l’Etat turc a même profité du réseau Gülen, pendant les années 2000, pour asseoir son pouvoir face à l’establishment kémaliste, défenseur d’une Turquie laïque. Leur entente cordiale, fragilisée à partir de 2010, vola en éclats lorsqu’un scandale de corruption, orchestré par des magistrats acquis à la nébuleuse güléniste, éclaboussa, à la fin de 2013, le cercle des intimes de M. Erdogan, alors premier ministre.Né au tournant des années 1940 – en 1938, selon lui ; en 1941, selon l’état civil – dans la province d’Erzurum, dans l’est de la Turquie, Fethullah Gülen est passé « d’imam quelconque dans les années 1970 » à « dirigeant spirituel d’une vaste communauté qui rassemble des millions de sympathisants (…), présente dans tous les secteurs de l’économie, dans l’éducation, au sein des médias, mais aussi dans divers secteurs de l’administration », relève Bayram Balci, chercheur au CERI-Sciences Po à Paris, dans une étude parue en 2021. « Possédant le goût du secret et de l’influence, voire de la manipulation et de l’intimidation (…), le mouvement de Fethullah Gülen présente de fortes similitudes avec diverses congrégations catholiques, comme les jésuites, Opus Dei ou autres, dont il s’est visiblement inspiré », souligne-t-il.