Depuis six jours, le régime de Recep Tayyip Erdogan bloque l’accès au réseau social de Meta, l’accusant de censurer les publications en soutien aux Palestiniens.
C’était une conséquence prévisible du blocage d’Instagram en Turquie. Depuis vendredi 2 août, jour où le gouvernement turc a acté le blocage de l’application de partage de photos sur son territoire, de nombreuses entreprises et commerçants se plaignent d’importantes perturbations sur leurs activités.
Dans ce pays où 50 à 60 millions d’habitants sur 85 millions utilisent ce réseau social, notamment à des fins commerciales, cette coupure risque de coûter 1,9 milliard de livres turques à l’économie nationale, soit près de 52 millions d’euros par jour, alerte le vice-président de l’Association des opérateurs de l’e-commerce, Emre Ekmekçi.
Instagram a été bloqué en Turquie après des accusations de « censure » exprimées par le directeur de la communication de la présidence turque, Fahrettin Altun. Ce dernier avait affirmé qu’Instagram « empêch[ait] les gens de publier des messages de condoléances pour le martyr Ismaïl Haniyeh », le chef du Hamas tué à Téhéran le 31 juillet. Les partis de l’opposition CHP (social-démocrate) et Iyi Parti (nationaliste), ainsi que le barreau d’Ankara ont saisi la justice dès vendredi soir pour annuler cette mesure de blocage.
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« Ouvrez, SVP ! »
Lundi, le ministre des transports et des infrastructures turc, Abdulkadir Uraloglu, avait annoncé sur X sa rencontre avec les responsables de la plate-forme dans l’après-midi. En réponse à sa publication, dans laquelle le membre du gouvernement disait « espérer qu’ils feront le nécessaire pour répondre à nos demandes », plusieurs internautes l’alertaient sur les conséquences négatives de ce blocage pour l’économie de leur pays.
« Vous fermez une plate-forme où des milliers de petits producteurs font des ventes. (…) Vous jouez avec le pain de milliers de personnes », rétorquait l’un d’entre eux au ministre, lundi. « Des centaines de milliers de personnes trouvent des clients sur Instagram. Des centaines de milliers de personnes font des affaires sur Instagram », assurait, de son côté, le professeur Özgür Demirtas, titulaire de la chaire de finances à l’université Sabanci d’Istanbul. Et de conclure son message, également publié sur X, par un : « Ouvrez, SVP ! ».
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Ozan Sihay, vidéaste, photographe et créateur de contenus numériques, s’inquiète également de la situation. « Je ne peux pas comprendre [ceux qui] se réjouissent que les influenceurs soient au chômage », écrit-il en ligne. « Cette interdiction affectera négativement de nombreux secteurs et individus », met-il en garde en citant « les annonceurs [qui] ont payé des milliers de livres turques », les artistes et les créateurs en général (musique, cinéma, séries…) pour lesquels « Instagram est une vitrine importante », ainsi que les petites entreprises. « Instagram est une passerelle de commerce électronique » pour les boutiques et les produits artisanaux, rappelle-t-il.
Suivi par plus de 340 000 personnes sur le réseau social de Meta, Ozan Sihay énumère aussi l’impact du blocage sur les grandes marques, les institutions publiques ou encore le secteur du tourisme, privés selon lui du « plus grand support publicitaire » à leur disposition. « J’espère donc que cette erreur sera corrigée le plus rapidement possible », conclut-il en réclamant « des explications » de la part des autorités.
Le Monde avec AFP