Le président turc Erdogan espérait vraisemblablement le succès du RN non seulement pour sa proximité en couleur politique mais parce-que cela convergeait avec la stratégie européenne de son ami Victor Orban
Erdogan, Orban et le second tour des élections en France.
Le président turc Erdogan n’a sans doute pas été satisfait des résultats du second tour des élections législatives françaises. Il espérait vraisemblablement le succès du RN, non seulement pour sa proximité en couleur politique, mais parce que cela convergeait avec la stratégie européenne de son ami Victor Orban*. A l’instar d’Erdogan, et malgré son appartenance à l’UE dont les sanctions continuent de s’appliquer à la Russie, le Premier ministre hongrois ne tourne pas le dos à Vladimir Poutine.Depuis juillet 2024, la Hongrie préside le Conseil européen. Orban prend des initiatives contraires aux positions de l’UE. Il s’est ainsi rendu à Moscou pour rencontrer Vladimir Poutine sans avertir ses partenaires qu’il est pourtant censé représenter. « Il est ensuite allé voir le Turc Erdogan, et le Chinois Xi, ses amis autoritaires » ajoute Pierre Haski dans sa chronique du 8 juillet sur France Inter. Josep Borell, chef de la diplomatie européenne, vient de le recadrer pour sa participation au sommet des États turciques à Choucha [en Azerbaïdjan] les 5 et 6 juillet. Cette organisation proche du président turc, regroupe les États de langues turciques. Elle a été fondée en 2009 par l’Azerbaïdjan, le Kazakhstan, le Kirghizistan et la Turquie. La Hongrie en est devenue un État observateur en 2018. Victor Orban consolide ainsi sa proximité avec Ankara.
Le Premier ministre hongrois entend favoriser l’émergence d’un groupe d’élus d’extrême droite au sein de la Commission européenne. Au lieu de quitter l’UE comme l’ont fait les Britanniques, il tente d’en ébranler le projet de l’intérieur en constituant une minorité de blocage. Il a pour objectif d’entraver l’approfondissement de l’intégration européenne et d’exclure l’adhésion de l’Ukraine.
Le RN le rejoint dans cette stratégie. Déçu au second tour des élections nationales il entend renforcer son action au sein de l’UE. Le 8 juillet, au lendemain du second tour il annonce que ses élus au Parlement européen siègeront dans le nouveau groupe d’extrême-droite formé par le premier ministre hongrois, les Patriotes pour l’Europe. Marine le Pen et Jordan Bardella avaient omis de diffuser cette décision avant le second tour pour ne pas ranimer le soupçon de sympathies pro-russes. Après les résultats de cette dernière consultation Orban va devoir se contenter d’engranger le contingent d’élus RN au Parlement européen mais sans bénéficier du soutien de l’exécutif français au Conseil européen. Cependant sa volonté de paralyser l’UE de l’intérieur reste une priorité. Ceci ne peut déplaire à Ankara, irrité d’avoir attendu des décennies aux portes de l’Europe sans succès et cadre avec sa volonté de ménager Poutine**. Une UE entravée donnera du grain à moudre à sa propension anti-occidentale.
Nora Seni
*Le président turc Erdogan en visite en Hongrie pour rencontrer son allié Orban
** Nora Seni, « Russie Turquie Une compicité toxique » Hérodote 2023/3-4 (N° 190-191), pages 159 à 169