La polémique après la liesse: le défenseur Merih Demiral, auteur d’un doublé contre l’Autriche (2-1) à Leipzig en 8e de finale de l’Euro-2024, fait l’objet mercredi d’une enquête de l’UEFA pour une célébration controversée, une procédure vilipendée par la Turquie qui a convoqué l’ambassadeur d’Allemagne à Ankara.
Merih Demiral était l’un des héros de la qualification de la Turquie pour les quarts, mais le joueur a provoqué de vives réactions et entaché la performance de la sélection turque en effectuant le geste de ralliement des « Loups gris », un groupe de l’extrême droite turque, après avoir marqué un de ses buts.
Les « Loups gris » se sont développés à partir des années 1960 dans l’orbite du Parti d’action nationaliste (MHP), membre de la coalition dirigée par le Parti de la justice et du développement (AKP) du président Recep Tayyip Erdogan. Cette faction ultranationaliste a été associée dans le passé à de nombreux assassinats politiques visant des militants kurdes ou de gauche.
L’UEFA a annoncé mercredi ouvrir une enquête sur le « comportement potentiellement inapproprié » de Demiral. Un « enquêteur sur les questions d’éthique et de discipline » a été nommé, et de plus amples informations sur ce dossier suivront, a indiqué l’UEFA. Une décision est attendue avant le quart de finale contre les Pays-Bas, samedi à Berlin (21h00).
« Le symbole des extrémistes de droite turcs n’a rien à faire dans nos stades », a réagi sur X Nancy Faeser, la ministre allemande de l’Intérieur, issue du Parti social-démocrate (SPD, centre-gauche). « Utiliser l’Euro de foot comme plateforme pour le racisme est totalement inacceptable. Nous attendons que l’UEFA enquête sur le cas et réfléchisse à des sanctions », a-t-elle ajouté. En réaction à ces propos, la Turquie a convoqué l’ambassadeur d’Allemagne à Ankara mercredi, a indiqué une source diplomatique turque.
« La fierté d’être turc »
En Allemagne, terre de forte immigration turque, les autorités doivent faire face au soutien de certains citoyens aux « Loups gris », groupe considéré comme raciste et antisémite outre-Rhin. Omer Celik, porte-parole de l’AKP au pouvoir en Turquie, a qualifié d' »inacceptables » l’enquête de l’UEFA et la réaction de la ministre allemande.
« Il serait opportun pour ceux qui traquent le racisme et le fascisme de se concentrer sur les résultats des récentes élections dans certains pays d’Europe », a-t-il ajouté. Une référence aux élections européennes de juin, théâtre d’une poussée de l’extrême droite dans plusieurs pays, et aux législatives en France qui se terminent dimanche, avec la possibilité d’une arrivée au pouvoir du Rassemblement national.
Rappelant que l’Allemagne n’a pas interdit le symbole des « Loups gris », le ministère turc des Affaires étrangères a aussi vilipendé « les réactions politiquement motivées » et « en soi, xénophobes, des autorités allemandes envers M. Demiral ». Le ministre turc des Sports Osman Askin Bak a pour sa part relayé sur X la photo controversée en écrivant « Tout est dit », accompagné du drapeau turc.
Merih Demiral avait dans la nuit posté sur X une photo de lui effectuant le signe controversé accompagnée de la devise du fondateur de la Turquie moderne, Mustafa Kemal Atatürk: « Heureux celui qui dit +Je suis Turc+ ». Dans des déclarations à la presse après le match, avant que les images ne deviennent virales sur les réseaux sociaux, Demiral avait déjà assumé son geste, affirmant avoir voulu évoquer « la fierté d’être turc ». « Je suis très heureux de l’avoir fait, tous nos supporters sont fiers de nous. J’avais vu certains d’entre eux le faire et j’avais donc encore plus envie de le réaliser », avait-il ajouté.