L’administration autonome dominée par les Kurdes, qui contrôlent près du quart du territoire syrien, organise, le 11 juin prochain, des élections municipales dans les régions du nord-est et de l’est du pays.
RFI, le 4 juin 2024, par Paul Khalifeh
Ce scrutin, organisé dans 133 circonscriptions, est un pas important vers une forte décentralisation de la Syrie, souhaitée par les Kurdes qui militent pour l’instauration d’un système fédéral. Les pouvoirs locaux issus de ces élections jouiront en effet de vastes prérogatives et d’une autonomie financière et administrative. Ils auront notamment d’importantes responsabilités dans les domaines de la planification urbaine, du développement des infrastructures et de la santé publique. Ils auront à gérer les ressources hydrauliques, l’entretien des espaces publics, la régulation des marchés locaux et les activités de construction. Le développement des activités culturelles, sportives et sociales seront également de leur ressort.
Ces vastes pouvoirs tranchent avec la tradition syrienne d’un État fortement centralisé. Et le régime syrien ne voit donc pas d’un bon œil la tenue de ce scrutin. Les autorités syriennes ne cautionnent d’ailleurs pas l’organisation de ces élections et ne reconnaîtront pas les résultats. Les opérations de vote n’auront pas lieu dans les enclaves encore contrôlées par le gouvernement syrien, dans la ville de Qamichli, à l’extrême nord-est, celle de Hassaké à l’est et certaines localités de la province éponyme.
La Turquie veut empêcher les élections
Cependant, les forces kurdes et le gouvernement syrien évitent l’affrontement direct et ont trouvé, provisoirement, un modus vivendi. Les deux parties préfèrent se concentrer sur leur ennemi commun, la Turquie. Une Turquie qui est farouchement opposée à la tenue de ces élections municipales.
Les dirigeants turcs ne mâchent pas leurs mots. Ils ont qualifié ce scrutin de « danger pour l’intégrité territoriale de la Turquie et de la Syrie » et affirment que « ce processus électoral a pour finalité la création d’une entité kurde indépendante près des frontières turques ». Le président Recep Tayyip Erdogan est personnellement monté au créneau en menaçant de lancer une opération militaire en profondeur en territoire syrien pour empêcher la tenue de ces élections. Son principal allié nationaliste, Dawlat Bahchetli, a même prôné un rapprochement avec les autorités syriennes pour mener une offensive commune contre les Kurdes.
Les pressions des dirigeants turcs ont poussé Washington, principal soutien des Kurdes, à se dissocier de ses alliés en Syrie. L’ambassade des États-Unis à Damas a publié un communiqué soulignant que les conditions pour l’organisation de ce scrutin dans le nord-est de la Syrie ne sont pas réunies, appelant les Kurdes à reporter cette échéance.