Des candidats kurdes au droit d’asile en France ont été renvoyés ces dernières semaines en Turquie tandis que des procédures judiciaires se multiplient contre des médias et des financeurs soupçonnés d’appartenance au PKK, un parti dans le viseur d’Ankara.
Courrier International, le 26 avril 2024
L’arrestation en France, mardi 23 avril, de huit personnes accusées de “financement du terrorisme” au profit du PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan, également installé en Irak et en Syrie, considéré comme terroriste par la Turquie, les États-Unis et l’Union européenne), rencontre un large écho dans la presse turque.
Ces arrestations en région parisienne et dans les Bouches-du-Rhône se sont doublées, à la demande de la justice française, de perquisitions menées en Flandre-Orientale par la police belge dans les studios des chaînes de télévision kurdes en exil Sterk TV et Medya Haber TV, connues pour leur proximité avec le PKK, rapporte le quotidien progouvernemental Aksam, qui applaudit l’opération.
Des tractations diplomatiques avec Ankara ?
Le parti prokurde de Turquie voit quant à lui dans ces interpellations la main du régime turc. Le député kurde Cengiz Çiçek, rapporte le quotidien de gauche turc Evrensel, s’est ainsi interrogé dans ses questions au gouvernement : “Les arrestations en France et en Belgique ont-elles eu lieu à la demande de l’État turc ?”
L’élu questionne aussi la concomitance entre les perquisitions effectuées en Belgique et l’arrestation le jour même en Turquie de neuf journalistes travaillant pour les médias prokurdes Mezopotamya Ajansi et Yeni Özgür Politika.
Ankara est régulièrement condamné par la Cour européenne des droits de l’homme pour ses entraves à la liberté de la presse, alors que plusieurs dizaines de journalistes, en majorité kurdes, sont derrière les barreaux.
Trois expulsions vers la Turquie en quelques semaines
Alors que les relations entre Paris et Ankara s’améliorent pas à pas, les expulsions de réfugiés kurdes installés en France se multiplient depuis quelques semaines. La première d’entre elles, le 27 mars, avait donné lieu à un affrontement dans l’enceinte de l’aéroport Charles de Gaulle, devant le comptoir de la Turkish Airlines, entre les soutiens à l’activiste Firaz Korkmaz, des membres de l’Unité nationale d’éloignement chargés de son transport et le personnel de l’aéroport.
“La France frappée par les terroristes qu’elle nourrit”, se réjouissait alors le quotidien progouvernemental Sabah.
Le même quotidien se félicitait de l’expulsion par la France, le 9 avril, de Mehmet Kopal, photographié menotté et encadré d’un drapeau turc lors de son arrivée en Turquie. Enfin, le 13 avril, un troisième activiste, Serhat Gültekin, atteint d’une maladie génétique rare et candidat au droit d’asile en France, avait été déporté vers la Turquie et placé en détention à son arrivée, rapporte le média en ligne Arti Gerçek.
Firat News, agence de presse turcophone prokurde basée aux Pays-Bas, s’indigne de son côté de la multiplication de ces expulsions, alors que “la justice française reste inactive face aux personnes assassinant ou tentant d’assassiner des Kurdes”.
L’agence de presse mentionne notamment le cas de Zekeriya Çelikbilek, ancien militaire turc installé en France dans la ville de Reims. Il a notamment été mis en cause par la justice belge dans la tentative d’assassinat en 2017 de deux responsables kurdes en exil.
L’homme est connu pour ses liens avec les services secrets turcs. La photographie illustrant l’article le montre au côté de l’ex-ambassadeur turc en France et ancien numéro deux des services de renseignements du pays, Ismaïl Hakki Musa.
Mercredi 24 avril, alors que le président allemand, Frank-Walter Steinmeier, était en visite officielle à Ankara, les services de renseignements et la police turque interpellaient cette fois à Istanbul un Kurde de nationalité allemande, Saim Çakmak, présenté par la presse comme un des responsables du PKK en Allemagne, rapporte le journal Takvim.