Mort d’Alexei Navalny : les opposants russes à Vladimir Poutine bridés en Turquie mais actifs à Londres et dans les pays baltes / FRANCE INFO

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Si la Turquie a vivement empêché les opposants russes de rendre hommage à Alexei Navalny, d’autres pays refuges leur permettent de s’exprimer, comme les pays baltes et l’Angleterre. Nos correspondants sur place racontent.

France Info, le 2 mars 2024

Par Marie-Pierre Vérot, Laura Kalmus, Marielle Vitureau

À l’image de Ioulia Navalnaïa, la veuve d’Alexei Navalny, l’opposition à Vladimir Poutine veut se poursuivre à l’étranger. Même si ce n’est pas sans danger, c’est le seul moyen d’échapper à la répression systématique du Kremlin. En Turquie, qui a accueilli plusieurs dizaines de milliers de citoyens russes après l’invasion de l’Ukraine, il est impossible de commémorer la mort d’Alexei Navalny, mais les pays baltes et l’Angleterre sont de véritables havres d’accueil pour faire vivre la résistance.

La Turquie tient sa position d’équilibriste

Aucun dirigeant turc, pas même le président Erdogan, pourtant prompt à commenter tout fait marquant d’actualité, n’a publiquement réagi à la mort du principal opposant à Vladimir Poutine. La Turquie accueille en ce moment le ministre russe des Affaires étrangères à l’occasion d’un forum sur la diplomatie à Antalya, à propos notamment de la sécurité en mer Noire. Le pays veille à maintenir des liens étroits avec Moscou tout en dialoguant avec l’Ukraine. 

Mais les quelques dizaines de citoyens russes qui ont voulu déposer des fleurs en hommage à Alexeï Navalny à Istanbul, devant le consulat de Russie, ont été brutalement dispersés par la police et certains brièvement arrêtés. Alors que même en Russie des hommages ont été tolérés, cela n’a pas été le cas en Turquie, commentent les opposants.

Répression ferme de la police turque

Le 16 février au jour de l’annonce de sa mort, quelques dizaines de personnes ont tenté de déposer fleurs et bougies. Certains portaient des pancartes demandant que la vérité soit faite sur la mort d’Alexeï Navalny, ou clamant que les meurtriers finissent toujours leur travail. En quelques minutes, la police a violemment dispersé les rassemblements, considérant qu’il s’agissait de manifestations politiques illégales.

Tout le monde sait bien que les Turcs, comme les autres citoyens ici, ne peuvent exprimer librement leurs opinions : « Nous nous y attendions », commente sobrement le coordinateur local du Projet Ark, qui soutient les opposants à l’invasion de l’Ukraine. « Chacun d’entre nous doit faire quelque chose, même une toute petite chose, a déclaré l’un des participants du rassemblement de Kadiköy, tout comme Navalny nous l’a prescrit. »

Les pays baltes, un asile proche pour les démocrates et les journalistes en exil

Dans les pays baltes, l’opposition russe a trouvé refuge dans les capitales de ces trois pays limitrophes de la Russie. À Vilnius, les opposants russes ne sont pas très visibles et sont même loin de former un groupe uni, mais le jour de l’annonce de la mort d’Alexeï Navalny, le 16 février, ils se sont tous retrouvés pour lui rendre hommage au pied du monument pour les victimes de la répression soviétique. On a vu l’équipe de Navalny dont une partie s’était réfugiée en Lituanie. Mais il y en avait d’autres aussi. Les premiers opposants russes sont arrivés en Lituanie après la vague de répression des manifestations lors des élections législatives russes en 2011. Puis, il y a eu une autre vague après l’annexion de la Crimée. L’opposition est donc très diverse. Néanmoins, Vilnius reste un lieu important. De nombreuses conférences et forums sur la Russie libre et démocratique y sont organisés, soit par les opposants eux-mêmes, soit aussi par la Lituanie pour catalyser les forces et mettre tout le monde à la même table.

À Riga et à Tallinn, ce sont surtout les journalistes qui ont trouvé refuge. Ils n’ont pas attendu le lancement de la guerre à grande échelle en Ukraine pour travailler en sécurité. Les premiers à s’être installés à Riga sont venus en 2014 après que le média lenta.ru a été visé par les autorités russes. Depuis, de nombreux journalistes sont accueillis en Lettonie où toute une organisation a été mise sur pied pour les aider. 

À Londres, une autre figure active : Mikhaïl Khodorkovski

La grande majorité des figures de l’opposition restées en Russie sont emprisonnées. Les autres ont fui, notamment à Londres. C’est là que vit Mikhaïl Khodorkovski, qui s’attire souvent les foudres du Kremlin. Il n’hésite pas à parler à la presse, et a récemment écrit deux livres proposant ses idées sur la Russie post-Poutine. C’est l’une des figures de l’opposition qui fait vivre la contestation depuis l’étranger. Il appelle même les Russes à se rendre aux bureaux de vote le 17 mars et à inscrire le nom de Navalny sur les bulletins en signe de défiance. « Si vous ne saviez pas quoi faire ce jour-là, alors voici une réponse pour vous« , a-t-il déclaré sur les réseaux sociaux.

Pour rappel, Mikhaïl Khodorkovski est exilé à Londres depuis 2015. Il est l’un des rares anciens oligarques à se positionner et à donner des interviews à la presse. En 2003, il a été condamné à 14 ans de prison pour escroquerie à grande échelle, évasion fiscale et détournement de biens. Et en quelques mois, il est passé du statut d’homme le plus riche de Russie, qui a fait fortune dans le pétrole, à celui de paria du Kremlin. Sur décision de Vladimir Poutine, il a été libéré au bout de dix ans et il est parti se réfugier en Allemagne puis au Royaume-Uni.
 
Là, il s’est imposé comme un adversaire du président russe et aujourd’hui, il est l’un des symboles de l’opposition au régime de Poutine à l’étranger. Il y a quelques jours, il a écrit une tribune pour Politico, dans laquelle il insiste sur le caractère antidémocratique des élections présidentielles russes. Tout véritable opposant à Poutine a interdiction de se présenter aux élections, il est soit emprisonné, contraint à l’exil ou, comme Navalny, assassiné, explique-t-il. Il salue le courage d’Alexeï Navalny et appelle l’Occident à être plus ferme envers Poutine.

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