Si les historiens attestent d’une production de vins millénaire sur le territoire de l’Anatolie, il a été éclipsé par le raki – alcool distillé, proche de l’ouzo grec – sous l’Empire ottoman, bien qu’il revienne sur les tables depuis une vingtaine d’années. Grâce à l’initiative de plusieurs domaines, les vins de Turquie continuent leur progression en dépit de politiques dissuasives sur la consommation d’alcool.
Assis à la table de son restaurant, au rez-de-chaussée d’un hôtel de luxe, le chef Zeki Açiköz présente avec fierté sa large sélection de vins. Dans un pays où l’alcool est spontanément associé au raki, un alcool distillé, il se fait un devoir de valoriser les vins autochtones d’Anatolie auprès de ses convives.
« Le raki donne une ambiance tout à fait différente, c’est surtout pour faire la fête. Mais le vin, c’est pour un dîner professionnel, pour une soirée spéciale ou dans un repas gastronomique entre collègues par exemple. »
Très impliqué dans la promotion de la gastronomie, il s’associe régulièrement à toutes sortes d’activités. Chaque dégustation de vin rencontre un franc succès. Les amateurs de vin sont à l’affût de toutes les nouveautés. C’est le cas du vin mousseux, jusqu’alors très peu connu en Turquie. C’est un producteur de la région d’Ankara, le Vinkara, qui a relevé le défi.
« En 2009, on fait un premier test avec 4 000 bouteilles. Cette année, nous allons faire 45 000 litres, donc environ 6 000 bouteilles, et nous avons pour objectif d’atteindre 100 000 bouteilles. Chaque année, avant même le mois de décembre, nous sommes en rupture de stock. Quoi que l’on fasse, on n’arrive pas à répondre à la demande. »
Un marché qui monte malgré l’hostilité du gouvernement
Le mousseux fait des adeptes en Turquie, mais convainc tout autant à l’international. En 2020, il a obtenu la médaille d’or au concours Effervescents du Monde, qui se tient en France chaque année. L’œnologue Göknur Gündogan suit de très près l’utilisation des cépages autochtones en Turquie. La créativité qu’elle observe ces dernières années est, d’après elle, la recette du succès…
« Le vin fait son retour avec la république moderne. De nos jours, surtout depuis les années 2000, nous pouvons dire que les vigneronnes, les vignerons et les producteurs sont en train de créer une petite révolution du vin et de la viniculture en Turquie. »
L’augmentation constante des taxes sur l’alcool pourrait cependant ralentir la progression de ce marché à l’avenir. Certains dénoncent d’ailleurs une taxe « punitive » du gouvernement islamo-conservateur pour dissuader de consommer de l’alcool. Mais si le mousseux de Vinkara reste cantonné aux cercles de connaisseurs en Turquie, à l’international le vin turc garde le vent en poupe.