Une mission des Nations unies est arrivée le même jour dans le Haut-Karabakh afin d’évaluer les besoins humanitaires sur place. L’ambassadrice d’Arménie en France a appelé la communauté internationale à établir « des conditions décentes » pour un retour des réfugiés arméniens dans le Haut-Karabakh.
Le 1er Octobre 2023, paru dans Le Monde.
Les dirigeants européens sont « des criminels envers le peuple arménien, ils font couler le sang du peuple arménien ». Ces mots sont ceux de l’une des organisatrices d’une manifestation qui a eu lieu dimanche 1er octobre à Bruxelles, en Belgique. Des milliers d’Arméniens, venus de plusieurs pays européens, y ont convergé pour dénoncer la « complicité »de l’Europe après une offensive éclair de l’Azerbaïdjan pour reconquérir le Haut-Karabakh, contrôlé pendant trois décennies par les séparatistes arméniens qui ont fini par capituler et par accepter de déposer les armes la semaine dernière. Depuis, l’enclave a été presque entièrement désertée par ses habitants, plus de 100 000 réfugiés ayant fui en Arménie par crainte de représailles de l’Azerbaïdjan.
Regroupés sur le rond-point Robert-Schuman, au cœur de l’Europe des institutions, les manifestants s’en sont pris avec émotion et colère à l’Union européenne (UE), coupable, selon eux, de fermer les yeux sur le drame des Arméniens en échange du gaz azerbaïdjanais que l’UE achète pour compenser en partie la perte du gaz russe. « Vends 2000 ans de civilisation arménienne contre du gaz azéri », pouvait-on lire sur une pancarte brandie par un manifestant, selon l’Agence France-Presse (AFP).
Parmi les milliers de personnes, souvent des jeunes, venues de France, de Belgique, des Pays-Bas et d’Allemagne, une cinquantaine de cars ont fait le voyage depuis l’Ile-de-France, où vit une partie de la communauté arménienne de France, l’une des plus importantes d’Europe. Quelque 10 000 personnes étaient présentes à Bruxelles, selon les organisateurs, plus de 3 000, selon la police de la capitale, précisant qu’il s’agit d’une estimation faite en début de manifestation.
Des rassemblements similaires devaient se tenir dans plusieurs autres villes d’Europe et de France, notamment à Marseille, où plus d’un millier de personnes, selon la police, et quelque 5 000, selon les organisateurs, se sont rassemblées également pour soutenir les Arméniens ayant fui le Haut-Karabakh, et réclamer une action plus forte de la communauté internationale, a constaté un journaliste de l’AFP. « Nous sommes ici pour dénoncer le silence de la communauté internationale », a lancé Julien Harounyan, le président du conseil de coordination des associations arméniennes de France pour le sud du pays.
Marseille (Bouches-du-Rhône) compte une importante communauté d’origine arménienne, généralement estimée à quelque 80 000 personnes, arrivée notamment dans les années 1920 après les massacres et déportations par les troupes de l’Empire ottoman.
Les participants à cette manifestation, à l’appel du réseau d’organisations Europeans for Artsakh, nom arménien du Haut-Karabakh, accusent l’Azerbaïdjan de mener un « nettoyage ethnique » dans cette région. Ce dernier réfute ces accusations et assure que les habitants de l’enclave sont libres de partir ou de rester.
« Drame humanitaire »
« La France condamne l’action de l’Azerbaïdjan » dans le Haut-Karabakh, a déclaré dimanche le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran. C’est « un drame humanitaire », « la quasi-totalité de la population arménienne a été contrainte de quitter (…) un territoire dans lequel ils vivent légitimement », a-t-il relevé sur BFM-TV. « Les choses doivent se faire dans le cadre des Nations unies », a ajouté M. Véran, évoquant trois priorités : « la restauration des conditions humanitaires, le soutien à la population et la mobilisation de la communauté internationale ».
Dimanche, également, l’ambassadrice d’Arménie en France, Hasmik Tolmajian, a appelé la communauté internationale et les Nations unies à établir « des conditions décentes » pour un retour des réfugiés arméniens dans le Haut-Karabakh. « Il y a une autre alternative que d’être réfugié », à savoir le retour de ces populations, a-t-elle déclaré sur Franceinfo, soulignant que « personne ne souhaite être réfugié quand il peut rester dans son pays ».
Une mission des Nations unies est arrivée le même jour dans le Haut-Karabakh – pour la première fois en trente ans – afin d’évaluer les besoins humanitaires sur place.
« L’histoire de l’humanité a montré que l’impunité favorise la récurrence du crime »
« Si la communauté internationale, avec tous les mécanismes internationaux, le système des Nations unies, tout le système de préventions, n’a pas pu empêcher le crime, on ne peut pas dire que la communauté internationale ait été à la hauteur, qu’elle n’ait pas manqué à sa mission », a réagi Hasmik Tolmajian. Elle a aussi exhorté à des sanctions, alors que « l’histoire de l’humanité a montré que l’impunité favorise la récurrence du crime ».
« Pour stopper les agresseurs, le crime, il faut des sanctions qui peuvent être économiques, diplomatiques. Sans une action, les autocrates, les criminels ne s’arrêtent jamais », a-t-elle insisté. « Depuis la création des Nations unies, c’est la première fois que l’on voit une république disparaître sous nos yeux », a fini par déplorer la diplomate, mettant en garde sur le fait que cela puisse créer un précédent.
La république autoproclamée du Haut-Karabakh n’a été reconnue par aucun Etat membre de l’Organisation des Nations unies.